Malgré son état de santé fragile depuis une quinzaine d’années, Bakary K. est un retraité de 71 ans qui parvient à subvenir aux besoins de sa famille. Heureux, il se considère comme étant un «élu de Dieu» grâce à la pension qu’il perçoit tous les mois de l’Institut national de Prévoyance Sociale (INPS).

Quatre enfants, huit petits-enfants et deux femmes ! C’est les bouches que nourrissent Bakary K., un septuagénaire malien. Incapable de travailler, à cause de son âge avancé et d’une insuffisance cardiaque, cet ex-agent de la mairie du district de Bamako se considère comme étant un « élu de Dieu », un chanceux.

Et pour cause : il jouit de sa pension et parvient à nourrir sa famille sans mendier. Malgré la situation difficile qu’il traverse depuis le décès de son premier fils, il y a six ans aux larges des côtes italiennes sur la route de l’Europe, B. K. garde son sourire grâce à sa pension. Chaque mois, il touche la somme de 32 000 F CFA. Un montant qui peut paraître dérisoire pour certains. Mais, c’est un trésor pour le vieil homme car lui permettant de sauver ce qu’un homme peut avoir de plus précieux : l’honneur et la dignité !

pub

«Un sac de riz, 50 kilos de maïs et dix kilos de sucre. C’est ce que je paye tous les mois avec cette pension. Pour le reste, je me débrouille avec mes deux femmes qui tiennent de petits commerces», dit-il avec son éternel sourire sans doute lié à une foi inébranlable.

«C’est vrai que j’ai souvent d’autres problèmes, surtout avec mes soucis de santé, mais comme pour tout le monde, l’homme est toujours confronté à des défis et à des problèmes. L’essentiel, c’est d’avoir une assurance. Et mon assurance, c’est ma pension de l’INPS», ajoute-t-il. «Nous mangeons à satiété et je parviens à nourrir mes petits enfants qui ont perdu leur père. Donc cela est déjà bon», précise le retraité.

Selon B. K., sa situation aurait pu être pire et insurmontable sans cette pension. En effet, arrivé à Bamako au lendemain de l’indépendance du Mali, en septembre 1960, Bakary a été recruté par le gouvernorat de Bamako en janvier 1961 comme agent de la main d’œuvre.

Sans qualification et ne sachant ni lire ou écrire, il est mis à la disposition de la voirie. Durant plus de trente ans, il travaillera comme chargeur de camions avant de prendre sa retraite étant chauffeur. Durant son service, Bakary a pu s’octroyer une maison à usage d’habitation dans le quartier populaire de Daoudabougou.

Le vieux Bacary et ses petits enfants.

Aujourd’hui, cette maison lui sert de logement et de source de revenus supplémentaires. «Je vis dans cette maison avec ma famille. Mais, il y a également quatre chambres que je loue aussi à des particuliers. Je gagne environ 40 000 F CFA par mois», dit-il. Cela lui permet de payer la scolarité de ses enfants et petits-enfants et lui sert aussi d’économie pour gérer les imprévus (maladies, petits entretiens de la maison, etc.).

Et pourtant, se rappelle-t-il, «j’ai failli ne pas être inscrit à l’INPS». Il poursuit, «j’étais entêté à l’époque. Et je pense que c’est grâce à des amis que j’ai eu cette chance. Je ne me rappelle plus trop à cause de ma maladie. Mais, je sais que j’avais complètement refusé d’amener mes documents».

A la veille de sa retraite, Bakary touchait environs 80 000 F CFA comme pension. Cette somme a diminué au fil des ans. « C’est avec l’arrivée d’IBK, lorsqu’il y a eu une augmentation de salaire que j’ai eu 32 000 F CFA sinon je ne touchais que 27 000 F CFA», précise-t-il.

«Certains amis me font pitié »

« Elu de Dieu» ? «Oui, parce que j’ai une pension», répond-t-il avec une profonde reconnaissance.  Contrairement à certains de ses amis avec qui il est arrivé dans la capitale à l’époque. De nos jours, Bakary n’a plus la force de travailler. «Je serais actuellement au bord du goudron pour mendier comme certains amis. D’autres sont rentrés au village et quelques-uns tiennent des commerces en ville pour subvenir aux besoins de leurs familles».

Même s’il est conscient d’avoir cotisé pendant des années pour bénéficier de cette pension, Bakary  pense que d’autres ayant cotisé comme lui ont refusé d’apporter les documents nécessaires. «Aujourd’hui, certains d’entre eux sont dans des difficultés. J’ai perdu leur trace, mais je sais qu’ils vivent toujours».

Des regrets ?

«Si j’avais su que mon fils pouvait bénéficier de la pension comme volontaire, j’allais l’obliger à cotiser», dit B. K. «Il a travaillé comme chauffeur de taxi et de Sotrama pendant plus de dix ans avant de prendre la route pour l’Europe. Il était marié et avait six enfants. S’il s’était inscrit sur le régime volontaire, actuellement nous aurions pu bénéficier de cette pension et ça pouvait m’aider à mieux prendre en charge ses enfants et sa femme qui est restée avec nous», regrette-t-il.

A cause de ses regrets, il exhorte tous les jeunes en âge de travailler et les employeurs à inscrire leurs employés à l’INPS. «L’impact de l’assurance sur la vie d’un homme et de sa famille est incalculable. C’est une garantie», reconnait-il, avant de recommander à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) de communiquer davantage sur toutes ses prestations pour encourager les travailleurs à s’inscrire et à payer leurs cotisations.

En plus, le sage vieil homme demande à l’Etat de tout mettre en œuvre pour contraindre les entreprises, surtout les privés, à inscrire les employés et à payer convenablement leurs cotisations.

Comme Bacary, Aguibou Bouaré, trésorier général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), pense que l’assurance est toujours une bonne chose en ce qu’elle implique l’idée de prévoyance et de couverture de risques. «L’INPS couvre différents régimes (maternité, accidents de travail, vieillesse, prestations familiales…) pour les salariés du secteur privé. Le volet maladie (AMO) étant désormais confié à la Canam, récemment l’INPS s’est engagé dans un programme de régime de prévoyance pour les professions libérales et même le secteur informel. Ce qui est une bonne chose», défend-t-il.

Aguibou Bouaré, trésorier général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM).

Selon ce membre influent de la plus grande centrale syndicale du Mali, la faiblesse de la prévoyance sociale au Mali est l’ignorance de la plupart des régimes par les bénéficiaires qui cotisent pourtant régulièrement (les cotisations étant prélevées à la source par l’employeur).

De plus, ajoute-t-il, se pose le problème de bonne gouvernance des fonds de l’INPS, notamment les mauvais investissements (acquisition de nombreuses réserves foncières…). «L’INPS devrait mettre l’accent sur la vulgarisation de ses différents régimes tout en améliorant le taux de recouvrement des cotisations sociales et en faisant des placements financiers porteurs d’intérêts substantiels», propose M. Bouaré. Le syndicaliste affirme que le régime «vieillesse», à travers la pension de retraite, connaît des difficultés dues en partie au déséquilibre entre les cotisants et les bénéficiaires. D’où la nécessité d’entreprendre des réformes permettant une meilleure péréquation entre le montant des cotisations et des prestations servies.

«L’INPS est investi de missions nobles mais ressent le besoin de bonne gestion et de profondes réformes structurelles pour la pérennité des différentes prestations servies», conclut-il.

Mamadou Touré, sociologue et gestionnaire de ressources humaines, abonde dans le même sens en précisant que les medias et les centrales syndicales devront plus s’impliquer pour faciliter le travail à l’INPS. «Le social est trop développé dans notre pays. Les centrales syndicales doivent lutter en synergie pour amener tous les employeurs à assurer les employés. Même les commerçants qui engagent les coursiers doivent être contraint à le faire, car l’assurance est un droit pour tous les travailleurs», précise-t-il.

Siège de l’INPS.

Par ailleurs, selon le guide de l’Assuré social de l’INPS, la loi N°99-041 portant Code de Prévoyance sociale organise (dans le cadre du régime Assurance vieillesse, invalidité et allocation de survivants) les prestations autour des trois éventualités prises en charge par ce régime (vieillesse, invalidité et décès).

Primo, il y a les prestations de vieillesse qui comprennent les pensions de retraite et l’allocation de solidarité. Secundo, il y a une pension de retraite garantie à tout assuré réunissant les deux conditions minimales que sont avoir 53 ans d’âge et 13 années d’activité salariée ayant donné lieu à cotisation.

A partir de ces conditions, indique le document, l’assuré peut prétendre au bénéfice de trois types de pensions. Il s’agit notamment d’une pension de retraite normale, anticipée volontaire ou anticipée pour raison de santé. A ces services s’ajoute l’allocation de solidarité, l’accident de travail et le malade professionnel ainsi que l’assuré volontaire.

Sory I. Konaté

30minutes.net

15 aout 2018

 

pub

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre commentaires s'il vous plaît
Votre Nom s'il vous plaît