Plus de 200 morts en 2018. Déjà 37 décès le premier jour de l’an 2019 : les régions de Mopti et de Ségou agonisent. Selon Abdoulahi Attayoub, président de l’Organisation de la diaspora touarègue en Europe (ODTE), pour garantir la paix dans le Sahel, notamment au centre du Mali, il conviendrait de s’appuyer davantage sur les élus et les autorités coutumières afin de mieux appréhender leurs attentes et d’organiser leur participation à l’effort de sécurisation des espaces.

Crise intercommunautaire ou intracommunautaire, chasse aux terroristes, protection des villageois, etc., le Centre du Mali devient de plus en plus instable depuis l’arrivée des forces étrangères dans notre pays. Aujourd’hui, cinq forces ont le monopole des armes « régulières » sur le territoire malien. Barkhane, Minusma, FAMa, G5-Sahel et Eucap-Sahel. Malgré la forte présence de toutes ces forces qui, faut-il le rappeler, sont formées par les armées des plus grandes nations de la planète, le Mali continue de sombrer dans l‘instabilité.

Selon l’expert Abdoulahi Attayoub, président de l’ODTE, l’un des freins à l’instauration d’une paix durable dans le Centre est l’ignorance délibérée des aspirations des populations locales respectives.

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« Pour réussir à mobiliser les populations, il conviendrait de s’appuyer bien davantage sur les élus et les autorités coutumières afin de mieux appréhender leurs attentes et d’organiser leur participation à cet effort de sécurisation des espaces sahélo-sahariens », déclare-t-il. Et de poursuivre : « D’une manière générale, le rôle des sociétés civiles locales et l’apport essentiel des diasporas issues de l’espace G5-Sahel devraient être encouragés et valorisés pour soutenir l’effort des décideurs et des acteurs internationaux engagés dans la lutte contre l’insécurité et pour un développement inclusif et intégré de ces espaces ».

De plus, ajoute-t-il, il ne faut pas sous-estimer le poids de la mal-gouvernance et des approximations démocratiques vécues par ces populations depuis les indépendances qui, explique l’expert, « révèle de plus en plus le spectre d’une impuissance collective à affronter ces problèmes sociaux ou d’une internationale indifférence devant la réalité de ces problèmes ».

« Ces problèmes pourtant bien recensés, qui pourraient être plus aisément résolus si les populations locales, étaient automatiquement placées dans une perspective positive. L’expérience de ces dernières années a montré à quel point certaines stratégies de sécurité ont été bridées par la méfiance qu’entretiennent des Etats à l’égard de leurs populations locales. Par exemple, la question du recrutement au sein des Forces de défense et de sécurité (FDS), notamment dans les armées nationales, demeure un point de blocage que certains gouvernements se doivent de régler au plus vite pour impliquer davantage les populations locales. Un réarmement patriotique au niveau de chaque pays paraît plus que jamais nécessaire afin d’assurer une adhésion effective de l’ensemble des populations concernées », analyse M. Attayoub.

L’autre point soulevé par l’expert est la persistance des injustices et de l’impunité qui constitueraient un aspect que les acteurs internationaux ont du mal à intégrer à la fois dans leur discours et dans leurs préoccupations sécuritaires au Sahel. « Pourtant, il s’agit là aussi d’un point incontournable pour instaurer la confiance. Une approche purement institutionnelle et étatique pourrait risquer de tomber dans les mêmes travers de gouvernance, qui ont déjà généré la déliquescence actuelle de certains Etats », dit-t-il.

« La question du terrorisme, par son impact médiatique et spectaculaire, semble occulter totalement les problèmes de gouvernance spécifiques à chacun des pays concernés. En les ignorant volontairement pour ne pas charger la barque, les acteurs nationaux et internationaux ouvrent inévitablement la voie à la violence et au désordre. De surcroît, ce jeu trouble et extrêmement dangereux qui sert actuellement à instrumentaliser, voire à susciter des tensions intercommunautaires, risque de compliquer l’action de la Force conjointe du G5-Sahel et des autres forces engagées sur le terrain. L’incapacité des FDS à protéger les populations civiles pourrait finir par amener ces dernières à s’armer afin de prendre en charge leur propre sécurité. De plus, il est à noter que les populations de certaines régions craignent beaucoup plus les FDS que les groupes jihadistes », décrit M. Attayoub, rappelant que la difficulté des Etats à assurer une gestion rationnelle de la diversité au sein de leurs peuples se traduit toujours par une mal-gouvernance caractérisée par l’absence d’équité et d’une vision inclusive de la chose publique.

« Cette fragilité constitue le terreau qui favorise l’arrivée et l’installation de groupes armés animés par d’autres intentions », conclu-t-il.

Salimata Tangara

Le Focus du lundi 7 janvier 2018

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