Hier dimanche 10 février, au stade du 26 mars, le Haut Conseil Islamique du Mali, présidé par Mahmoud Dicko, a tenu un grand meeting, qui était annoncé comme celui de bénédictions et de prière pour le Mali, mais finalement qui a tourné à un grand rassemblement de dénonciations, d’accusations et de malédictions contre le pouvoir actuel et son Premier ministre. Annoncé parmi les invités de marque, le chérif de Nioro, Bouyé Haïdara, a brillé par son absence. La seule vedette de la matinée fut l’Imam Dicko, récemment affligé par le décès de sa mère, mais réapparut curieusement dimanche très en verve contre le pouvoir.
Comme on pouvait s’y attendre, le stade du 26 mars était plein à craquer. Longtemps annoncé, mais finalement tenu hier dimanche. Il s’agit du meeting de bénédictions et de prière pour le Mali du Haut Conseil Islamique. Naturellement, cela à mobiliser des personnalités politiques et religieuses qui ont pris part à cet évènement dans le but d’apporter leur vœu, au regard des difficultés que notre pays traverse. Mais, le Cherif de Nioro, Bouyé Haïdara, l’érudit le plus attendu n’était pas de la fête. Qu’est ce qui a pu bien se passer ?
Très rare dans les grands rassemblements, le chérif de Nioro, malgré son âge avancé et son état de santé fragile, avait confirmé sa participation à ce meeting. D’ailleurs, l’érudit aurait même tenu une rencontre à sa zawiya à Nioro, pour inviter tous ses adeptes à prendre part à cette rencontre. Des images de son départ sur Bamako ont tourné en boucle sur les réseaux sociaux. Finalement, lors de ce meeting le message du chef des hamalistes a été livré par un de ses disciples.
Des menaces contre IBK
En effet, initialement prévu comme un évènement de prière et de bénédiction pour le Mali, ce meeting a très tôt pris les allures d’un théâtre de dénonciations, d’accusations et de malédictions fortuites. Cela dès le passage au pupitre du représentant du chérif de Nioro. Sans quoi, les porte-paroles d’autres courants et représentants des femmes et jeunes ont formulé des vœux pour le pays, avant d’alerter les plus hautes autorités sur certaines dérives qui entravent de nos jours les bonnes mœurs et les valeurs sociétales de notre pays
« Le chérif de Nioro, demande à IBK de virer son Premier ministre pour se sauver, sauver ses proches et sauver sa famille…» a déclaré d’un ton propre le porte-parole de Bouyé. Pour lui, c’est à cette seule condition, que le locataire actuel de Koulouba, pourra échapper au combat qu’il a décidé de lui livrer. Dans la même veine, le chérif de Nioro par la voix de son envoyé, a proféré de nombreuses menaces contre IBK. « Si IBK, ne m’exauce pas, le jour où je vais me lever, il le saura » a-t-il menacé.
Visiblement remonté contre le PM Maïga, le porte-parole enchainera avec des rappels. « Bouyé avait mis en garde le président IBK, de ne jamais nommer sous aucune condition Boubèye (qui est parmi ceux qui ont détruit le pays avec ATT) au niveau des ministères de la Défense et des Anciens Combattants, de l’Economie et des Finances, des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale ainsi que de la Sécurité Intérieur et de la Protection Civile » affirme-t-il avant de faire savoir la stupéfaction du fils cadet de Cheicknè Hamallah devant l’attitude du président IBK de confier la Primature à Soumeylou Boubèye Maïga.
Les ingrédients d’un règlement de comptes
« Mahmoud Dicko le sauveur ! Dicko tu as le peuple entre tes mains… » ce sont entre autres cris lancés par le Maître de cérémonie pour introduire le président du Haut Conseil Islamique sur la pelouse du stade du 26 mars.
C’est en ce moment que le doute n’était plus permis sur la transformation de ce meeting, en un rassemblement de messages politisés et de règlement de comptes. Et l’intervention de Mahmoud Dicko, ne fera que confirmer cela.
Président du Haut Conseil Islamique du Mali depuis plusieurs années, l’iman Dicko, a pratiquement disparu des radars pendant le 1er mandat d’IBK. Ejecté des délices du pouvoir à la veille de l’élection présidentielle (notamment sa fonction juteuse de bons offices auprès des groupes terroristes), l’érudit est sorti peu à peu de sa soutane pour manifester son indignation contre le régime. Il a réussi à extrapoler et ‘’sataniser’’ le moindre dossier du régime ayant trait à la societé. Cela fut le cas lorsqu’il a reçu les termes de référence d’un atelier sur l’Education Sexuelle Complète (ESC), tenu à Ségou sous l’égide de la Direction Nationale de la Pédagogie. Les tôlées et les altérations sur fond de suspicion soulevés dans cette affaire ont amené les plus hautes autorités à sursoir à cet enseignement. Toute chose qui a boosté la côte de l’imam Dicko pour entreprendre des actions solitaires, souvent sans l’accord des autres membres du Haut Conseil Islamique. Cela avec une grande dose de com (en raison de l’audience de ses chaînes de radio et de télévision). C’est dans cette foulée qu’il a décidé de médiatiser son refus de prendre la contribution du Gouvernement (50millions) à la bonne organisation du meeting de dimanche. D’ailleurs, le stade du 26 mars lui a donné un cadre approprié pour revenir sur cette affaire. Et ce, en ces termes : « nous avons refusé les 50 millions pour servir d’exemple aux musulmans ». Et d’ajouter : « Quand Bouyé, a appris cela, il m’a envoyé un messager avec la même somme de 50 millions de FCFA ».
Sur la déclaration du chérif de Nioro, l’imam Diccko affirme que : « si IBK n’écoute pas le message de Bouyé d’une manière, il l’écoutera autrement ». Ce message est unique : « virer le PM Maïga ». Cela sans condition, pour, pas bénéficier du soutien du Chérif, mais éviter son courroux.
Dans son intervention, l’iman Dicko, a sévèrement critiqué l’ingérence de la France dans les affaires du Mali. A titre d’exemple, il dira que l’ambassadeur de la France au Mali, s’était montré mécontent de sa désignation pour piloter la mission de bon office. « Quand j’ai appris cela, j’ai été lui voir dans son bureau à l’ambassade pour lui dire de ne pas se mêler dans les affaires internes de notre pays » a-t-il témoigné.
Après avoir passé au crible le conflit intercommunautaire qui sévit au centre du Mali, l’homme fort du jour, a ébauché le sujet phare, qui l’aura permis de réapparaitre sur la scène avec popularité. Il s’agit du dossier de l’homosexualité que le gouvernement a bien voulu abandonner en toute responsabilité sous les instructions du président de la République. « De notre vivant nous n’admettrons jamais cette pratique occidentale chez nous » a-t-il fait savoir.
Aussi, il faut noter que l’iman Dicko, n’a pas su se passer des critiques inopportunes au cours de ce meeting. « Ils ont cru finir, avec Mahmoud Dicko, mais Dieu n’avait pas encore dit son dernier mot » clamait-il avec un ton très élevé.
D’un meeting de bénédictions, voilà ce que le grand public a eu droit dimanche. Diantre !
Par Moïse Keïta
Le Sursaut du lundi 11 février 2019