Le développement de l’énergie solaire au Mali devrait contribuer à la lutte contre la pauvreté. Pourtant, malgré les nombreux projets du gouvernement, des partenaires techniques et financiers (PTF) et des ONG, le secteur peine à jouer pleinement son rôle : mettre l’électricité à la disposition de l’ensemble des populations.
Le Mali figure parmi les pays les plus chauds de la planète. Plus du tiers du pays se trouve dans le Sahara, où il ne pleut pratiquement jamais et où il y a toujours du soleil. Malgré cette richesse, moins d’un pour cent des communes rurales disposent de l’électricité, selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
Dans les capitales régionales et même à Bamako, le délestage est récurrent. Pour rentabiliser ce soleil, le pays et ses partenaires investissent depuis deux décennies dans le développement de l’énergie rurale basée essentiellement sur le solaire.
Des cas de réussite
Beaucoup de projets ont été réalisés. Ainsi, le gouvernement malien, soutenu par le Pnud, a initié en 2013 le Projet de promotion des énergies nouvelles renouvelables pour l’avancement des Femmes (Penraf), qui a touché à plus de 30 000 personnes vivant dans 55 villages de la Commune rurale de Sirakorola.
Dans le cadre de ce projet, des panneaux solaires ont été installés dans cette localité pour booster le développement. Il a impacté l’ensemble des secteurs d’activité : artisanat, éducation, santé et production des femmes. Des jeunes volontaires ont également été initiés à l’installation des panneaux solaires et à leur maintenance.
A Fougani, dans la région de Koulikoro, un autre projet similaire a été réalisé en 2017 par l’ONG « Un enfant par la main » en partenariat avec Bornefonden. Selon l’ONG, deux écoles ont été électrifiées et l’ensemble du dispositif fonctionne la nuit. « L’impact développemental a dépassé les attentes », témoigne Adama Diallo, conseiller aux projets au siège de Bornefonden.
« Les cours du soir ont pu être mis en place comme ceux de préparation aux examens, l’électrification a permis d’améliorer les résultats des élèves aux examens : 70,11 % des élèves ont réussi l’examen de fin de 1er cycle contre 59,66 % en 2016, 20,5 % des élèves ont réussi l’examen du 2e cycle contre 4,76 % en 2016, cela représente 8 élèves sur 39 en 2017, contre 2 élèves sur 42 en 2016, etc. », se réjouit l’ONG « Un enfant par la main ».
La liste des projets réalisés est longue. Dans la région de Sikasso, à Ségou ou à Mopti, beaucoup de projets de même nature sont pilotés par l’Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et de l’électrification rurale (Amader). Il s’agit notamment du projet financé par la Banque islamique pour le développement (Bid) pour l’électrification de 24 villages à partir de deux centrales solaires (1 MWc et 1,2 MWc) dans les communes de Saloba et de Sana dans le cercle de Macina (Zone inter-fleuve).
Grâce à l’accroissement du taux d’électrification de 1 % à 18 %, ce projet a amélioré les conditions de vie dans cette localité : éducation, santé, développement des activités socio-économiques, etc.
Quid du Sher ?
Le Système hybride d’électrification rurale (Sher) est financé par la Banque mondiale. Ce projet, selon un rapport de l’Amader, propose une expansion de la capacité des énergies renouvelables (EnR) dans les systèmes existants et nouveaux projets de production et distribution de l’électrification rurale.
Il consiste à réaliser 50 centrales hybrides solaires/diesel dans des localités déjà électrifiées sur la base d’une production purement thermique diesel et à étendre davantage le réseau de distribution dans ces localités pour réaliser des branchements supplémentaires.
Le projet comprend aussi l’installation des kits solaires individuels, la diffusion de lanternes solaires et des équipements économes d’énergie. Le coût total du projet est estimé à 44,9 millions USD, soit 21,32 milliards de F CFA. La contrepartie de l’Etat est de 4,45 milliards sur trois ans.
Le financement, principal obstacle à la révolution solaire au Mali
Les principaux acteurs, l’Amader et EDM-SA sont formels : pour offrir de l’électricité à tous les Maliens, le pays devra investir plus dans le solaire en multipliant les centrales, à défaut augmenter le nombre et la capacité des centrales hybrides. Selon l’expert en énergies renouvelables, Mohamed Diaw, il y a des faiblesses qui ralentissent cet investissement comme la multiplicité des acteurs institutionnels, la faiblesse des moyens matériels, financiers et humains.
A cela, ajoute-t-il, il y a une cohésion relativement faible entre les institutions et les dispositifs existants, une faible mise en œuvre de la Stratégie nationale pour le développement des énergies renouvelables, principalement à cause du manque de financement et le fait que le cadre d’évaluation et d’actualisation de la PEN n’est pas opérationnel et que la Commission nationale de l’énergie n’est pas fonctionnelle.
En plus, il trouve que la société nationale de production d’énergie, EDM-SA est faiblement impliquée dans le développement des énergies renouvelables. « Il y a la nécessité, pour la mise en œuvre de la PEN, d’une redéfinition des missions et attributions de la direction nationale de l’énergie (DNE), comme aussi de la réorganisation des autres structures nationales en charge de l’énergie », précise l’expert.
A propos du cadre économique et fiscal, M. Diaw dévoile les blocages qui persistent malgré les efforts faits ces dernières années pour améliorer l’environnement des affaires.
« Il existe des faiblesses dans le code des investissements, notamment le fait que les investisseurs dans le domaine énergétique ne peuvent accéder au régime des zones franches. Il faut également noter l’imprécision sur les garanties et sécurités relatives à l’acquisition des sites pour les investisseurs étrangers », dit-il.
Concernant le partenariat public privé (PPP), il montre que le dispositif pour le favoriser est intéressant, mais présente aussi de nombreuses faiblesses, y compris à cause des conflits d’intérêt qu’il génère. L’unité PPP a été mise en place par la loi n°2016-061 du 30 décembre 2016 et le décret d’application n°2017-0057/P-RM du 9 février 2017. « Il faut inciter davantage les partenaires privés à venir investir dans le secteur. Pour cela, il faut garantir la sécurité et prôner la bonne gouvernance », propose Mohamed Diaw.
Propositions
Selon la phase n°2 du Plan national d’électrification rurale, le gouvernement du Mali considère que la pauvreté n’est pas une fatalité inéluctable et veut donner à son peuple toutes les possibilités de se battre pour franchir le seuil de pauvreté et accéder à plus de bien-être.
Le plan recommande à l’Etat d’inciter les populations à produire avant de consommer, afin de réduire concrètement la pauvreté et de faire une réalité ses déclarations d’incitation. Ces incitations, précise le Plan, devront être multiformes. Il recommande des campagnes promotionnelles montrant aux populations le bénéfice qu’elles peuvent tirer d’une utilisation positive de l’électricité solaire (équipements scolaires, sanitaires, alimentaires etc.).
« Toujours est-il que ces mesures n’attireront certainement pas les investisseurs privés si la question sécuritaire n’est pas définitivement réglée », rappelle M. Diaw, expert des questions énergétiques.
Sory I. Konaté
Le Focus du lundi 18 juin 2018