Tatouer les gencives au moyen d’aiguilles et de charbon obtenu de plantes spécifiques est un art en soi que pratiquent bon nombre de femmes depuis le XIX siècle. D’abord dans un but curatif ensuite dans un but esthétique, le tatouage gingival a pris un coup de vieux après avoir été un phénomène de mode.
En effet, le tatouage gingival à sa belle époque était, au-delà d’une simple marque beauté, l’un des rites d’initiation à la vie de femme. « Au temps de ma jeunesse, une fille n’était pas considérée comme une femme si elle n’avait pas passé l’épreuve de la saignée gingivale. A travers cet acte, on pouvait sonder sa patience mais surtout sa bravoure », nous explique Aïssata, une femme âgée. Après cette rude épreuve de la saignée gingivale, la jeune femme pouvait désormais aspirer aux regards des hommes amateurs du sourire éclatant que procurait le tatouage des gencives. « La gencive tatouée était un code pour informer les hommes qu’on n’était plus cette petite fille mais bien une femme entière et belle. Il nous suffisait de sourire pour séduire. Les choses étaient aussi simples que ça », se souvient Aïssata.
Par ailleurs, le tatouage gingival était pratiqué pour réduire les saignements de la gencive et ainsi de fortifier cette dernière. La récente psychose liée aux infections transmissibles par le sang ont réduit considérablement la pratique de cet art qui peu à peu a sombré dans l’oubli, surtout dans le milieu urbain. « La découverte du virus du SIDA est pour beaucoup dans la disparition de cette pratique autrefois à la mode. Les conditions d’hygiène requises pour un tatouage gingival n’étant pas réunies, il peut être un facteur de transmission des agents infectieux à travers les aiguilles qui ont été au contact de ces agents. Même s’il est tout à fait possible de se faire tatouer en toute sécurité en stérilisant les aiguilles avant de les utiliser, la peur a changé la vision de la gencive tatouée », nous indique Dr Diakité, médecin généraliste. En outre, les normes de beauté ont évolué depuis l’époque du tatouage gingival. Les hommes ne se focalisent plus sur le sourire comme critère de beauté de la femme comme le témoigne Ousmane, un étudiant « il est vrai qu’une femme avec un beau sourire attire, mais la couleur des gencives n’y est pour rien à mon avis. Et puis, il ne suffit pas d’avoir une belle dentition pour être belle. Pour moi, la belle femme est celle instruite et bien éduquée ».
C’est un fait, la douleur pour avoir cette beauté ainsi que l’abandon des pratiquantes de cet art dû aux campagnes préventives contre le SIDA font que les amatrices se raréfient. Ce qui était culturel chez certaines ethnies telles que les peulhs, est quasi inexistant pour la jeune génération.
Fadimata S. Touré 

L’Indicateur du renouveau du 28 septembre 2018 

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