Etre journaliste au Mali c’est de faire la triste figure face aux autres métiers. En plus de la dégradation du contexte sécuritaire et des risques liés au métier, beaucoup de journalistes maliens peinent à joindre les deux bouts car travaillant pour des rédactions extrêmement pauvres. Portrait d’un journaliste qui vivote malgré ses longues années d’expérience.
A.T. est journaliste depuis quinze ans. Il a embrassé le métier quatre ans après l’obtention de son diplôme universitaire en droit. Il ne rêvait pas du métier, mais a été « contraint » de s’y aventurer pour faute d’emplois. « J’avais fait quatre fois le concours d’entrée à la magistrature, sans succès. Je donnais des cours à domicile et faisais de petits jobs au quartier », se souvient-il, avant de préciser : « c’est alors, sur conseils d’un ami, que j’ai cherché et obtenu un stage dans un journal de la place ».
Au début, avoue-t-il, A. T. n’était pas assez motivé. Il a fallu qu’il obtienne une audience auprès d’un ministre qui avait présidé une conférence de presse. « Je partais au travail découragé, mais je n’avais pas le choix car au bureau j’avais internet et je pouvais manipuler les ordinateurs. Il a fallu cette audience pour me donner le goût du boulot car après l’audience, le ministre m’a remis 500 000 F CFA. C’était une première pour moi de toucher une telle somme », dit-il, souriant. En quinze ans, A. T. a sillonné cinq rédactions. Mais, il n’a jamais été salarié. Il a toujours travaillé comme bénévole, mais parvenait à tirer son épingle du jeu à travers les « perdiems » et les cadeaux à lui offerts par des responsables politiques et des opérateurs économiques.
A 42 ans, marié et père de cinq enfants, A. T., malgré ses années de service n’a aucune sécurité sociale. Pas de contrat officiel, pas de couverture sociale encore moins d’assurance maladie. Pis, il vit toujours en location et n’a aucun compte bancaire. « Je ne peux pas économiser parce que ce que je gagne est trop peu pour mes dépenses quotidiennes », dit-il. Comme A. T., qui requiert l’anonymat, beaucoup de journalistes maliens vivent la même situation. Cela est dû en partie à la précarité du secteur et l’extrême pauvreté des rédactions.
S. I. K.
Mali Tribune du 06 mai 2019