Le gouvernement n’est toujours pas parvenu à trouver une solution de sortie de crise à la grève des magistrats depuis plus de 80 jours. Face à la détérioration des relations entre les deux pouvoirs, le président de la République, chef suprême de la magistrature, devra rompre le silence pour éviter l’embrasement de la situation.
La situation actuelle de la nation est plus qu’inquiétante. Le pays va très mal. Plus de 80 jours de grève des magistrats, plus de deux semaines de grève des établissements scolaires privés, l’arrêt d’importation du gaz butane par le groupement des professionnels qui réclame le payement immédiate des factures impayées dans le cadre de subventions de gaz qui s’élèvent à 3 584 354 000 de F CFA
S’y ajoute la récurrente cherté de vie et surtout la décision du gouvernement de reporter les élections législatives en 2019. La résolution de ces équations dépasse désormais les compétences du seul gouvernement qui n’a visiblement pas les armes et les munitions pour cela.
Du coup, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, devra changer son fusil d’épaule et consacrer son emploi du temps aux Maliens. Certes, sa participation aux nombreuses conférences internationales est une fierté pour la grandeur du Mali, mais au moment où le pays brûle, certains amis du Mali comprendraient aisément notre absence à ces rencontres.
Les juges réclament une sécurisation des tribunaux et une augmentation de salaire. Le récent décret du gouvernement imposant la réquisition des magistrats a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Pour le Syndicat autonome de la magistrature (Sam) et le Syndicat libre de la magistrature (Sylima), le décret de réquisition des juges est illégal et inapplicable. Pour les grévistes, ce décret ne brisera pas la grève.
Après avoir opté pour la poursuite de la grève, les magistrats réclament la démission du Premier ministre. Pis, ces deux entités s’adonnent à une passe d’arme dans les médias. La récente sortie du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga sur la télévision nationale (ORTM) sur la grève des magistrats n’a pas du tout apaisé la tension.
Face aux menaces du Premier ministre de muter les magistrats qui refusent de se plier au décret de réquisition, la réponse des syndicats est sèche. Selon eux, le Premier ministre n’a aucun pouvoir pour muter un juge.
Dans un communiqué, les syndicats précisent : « Le chef du gouvernement ne relève guère des autorités habilitées à agir ou à parler au nom du pouvoir judiciaire (articles 81 et 82 de la Constitution de la République du 25 février 1992 et les lois subséquentes notamment la loi n°02-054 du 16 décembre 2002 portant Statut de la magistrature et celle n°03-29/AN-RM du 11 août 2003 fixant l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature). Seuls existent entre les deux pouvoirs constitutionnels (l’exécutif et le judiciaire), des rapports de collaboration et de complémentarité pour le fonctionnement de l’Etat ».
Conscients de la séparation des pouvoirs, les magistrats refusent de s’y plier : « Telle demeure et demeura la position de la magistrature face à la violation de la Constitution et des lois de la République. Qu’enfin, le Premier ministre en vertu de la séparation des pouvoirs, n’a aucune qualité pour provoquer une réunion du Conseil supérieur de la magistrature. Les syndicats de magistrats attendent avec impatience cette autre mise à épreuve de la démocratie au Mali et sauront à l’occasion, comme d’habitude, jouer leur rôle de sentinelle dans la défense des valeurs républicaines ».
L’impasse est donc réelle. Les leaders religieux, les présidents d’institution, les notabilités de Bamako et d’autres personnalités ont échoué dans la médiation entre ces deux pouvoirs. L’ultime recours reste le président de la République, premier magistrat.
IBK devra impérativement trancher. Il ne suffit pas de donner aujourd’hui des milliards aux magistrats, mais de les assurer que les promesses tenues par le gouvernement seront exécutées.
Au-delà de cette question, d’autres problèmes sérieux minent le pays, notamment la grève illimitée des établissements scolaires qui réclament des milliards d’impayés à l’Etat. La grève des importateurs du gaz domestique fait grever le prix de cette denrée sur le prix au marché.
IBK est la seule personne pour apaiser les tensions avec seulement des propos apaisants. L’arbre ne doit pas cacher la forêt, ces problèmes sont des peaux de bananes pour le chef de l’Etat.
Quand le pays brûle, le président de la République est toujours interpellé. Les grévistes n’attendent que sa réaction pour recommencer le travail, car le gouvernement n’inspire plus confiance aux yeux des mécontents.
Y. Doumbia
L’Indicateur du renouveau du 17 octobre 2018