Pour la cérémonie d’ouverture du projet Les Praticables, la compagnie « KumaSô Théâtre », a fait œuvre utile en mettant sur scène les aide-ménagères. A travers une œuvre, qui combine théâtre et danse,quatre filles, travaillant comme aide-ménagères à Bamako-Coura, racontent leurs quotidiens et le calvaire qu’elles vivent depuis toutes petites.
De l’autre côté du quartier, il y a une grande salle de cinéma où,chaque week-end, des artistes comédiens ou chanteurs se retrouvent pour des shows, ouverts généralement aux plus nantis. De l’autre côté, le quartier populaire de Bamako-Coura où vivent de milliers de personnes, moins aisées et sevrées des délices de l’art. Suivent-ils du spectacle ? Ont-ils les moyens de se payer des tickets pour accéder à de grandes salles de cinémas ?
Fini ces questionnements. Le comédien Lamine Diarra et ses camarades membres de la compagnie « Kuma Sô Théâtre » apportent l’art dans la rue. A travers les Praticables, ils produisent du spectacle gratuitement pour la population en impliquant celle-ci dans tous leurs projets.
Sur la rue 369 de Bamako-Coura, environ 300 habitants (vieux, femmes et enfants) assis sur des chaises en plastique, d’autres à même le sol. Ils sont là pour suivre des artistes « confirmés »,mais également des jeunes et des vieux du quartier ayant participé à des projets de créations artistiques. Pour l’ouverture officielle de l’événement, le mardi 27 novembre, c’était aux aide-ménagères, péjorativement surnommées « Bonnes » ou « 52 », qui ouvrent le bal. Sur des textes d’Assitan Klenegue Traoré et une mise en scène de Michel Beretti, elles dansent, jouent tout en se racontant et en racontant leur histoire, donnant à voir un regard ironique, décalé et drôle sur Bamako, sur leurs patronnes et sur leur vie.
« C’est un honneur et un privilège pour nous d’avoir participé à ce projet. Nous nous sentons considérées. On a eu le goût d’être des êtres humains comme les autres », déclare Malado Traoré,l’une des actrices. Tout comme ses camarades Fatoumata Diarra, Rokia Traoré et Salimata Konaté ; Malado est venue à Bamako pour se faire un peu d’argent avant de rentrer au village se marier. « Nous ne sommes rien. Nous travaillons ici pour nos patronnes et après notre retour au village, nous allons travailler pour nos maris et faire des enfants. Durant toute notre existence, nous ne faisons que travailler, travailler »,extrait de leur scène. Comme pour témoigner du « triste sort » qui leur est réservé durant leur existence.
Une autre pièce présentée au cours de la soirée a porté sur les jeunes sourds muets. A l’initiative du chorégraphe Daouda Kéita, l’œuvre « Parole de corps » s’inscrit dans le cadre du renforcement de la formation professionnelle spécialisée des jeunes sourds et sourds muets. Un projet bien apprécié par le public. D’où la satisfaction du chef de quartier, Sékou Traoré. « A travers les Praticables, nous voyons des jeunes qui émergent.Ils font la fierté de notre culture et nous permettent d’apprendre et d’oublier nos soucis », reconnait M. Traoré.
Le programme se poursuit jusqu’au premier décembre 2018 avec des concerts sur la rue 369, des spectacles dans certaines familles du quartier souvent avec des jeunes. Des œuvres finies ou encore en projet seront dévoilées. Il y aura aussi des présentations d’arts plastiques, des expositions éphémères, de la danse et du chant ; rien ne se fera sans le public qui devient spectateur et acteur.
Le processus des Praticables, qui est à sa 2e édition, consiste à former de jeunes auteurs dramatiques, des metteurs en scène et des comédiens au cours d’un laboratoire de recherche commun à toutes les disciplines théâtrales.Il se déroule en trois étapes : premièrement des ateliers de recherche et d’écriture, deuxièmement un laboratoire de création et troisièmement une confrontation avec les publics lors de la phase de Festival, au quartier de Bamako-Coura et dans les lieux partenaires (CAMM, IFM, Fondation Passerelle).
Sory I. Konaté
30minutes.net
28 novembre 2018