En prélude de la première rencontre nationale des Korèduga au mois de mai prochain avec des activités à Kourouma et dans la ville de Sikasso, Adama Noumpounon Diarra, natif de Sikasso et maire de la Commune rurale de Kourouma, explique le mouvement. « Je ne suis pas passé par l’épreuve de l’initiation. Je suis Korèduga par héritage, du fait que notre famille au village à Foh est dépositaire des connaissances pratiques et philosophie des korêdugaw».

Mali-Tribune : Comment avez-vous intégré le mouvement Koreduga ?

Adama Noumpounon Diarra : On est koreduga par héritage, initiation ou par le fait des esprits. Mon feu père Noumpounon Diarra fut le parrain des Korèdugaw.

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A son décès, les korèdugaw m’ont plusieurs fois sollicité pour les organiser et les promouvoir. Feu Sidi Djourté de l’ORTM à Sikasso, lui-même korèduga, avait maintes fois échangé avec moi à ce sujet.

Ainsi, pour rendre hommage à mon père, tout en donnant une suite à la demande de la confrérie, je me suis mis à la recherche d’opportunités conduisant à la réalisation de ses objectifs.

L’occasion est donc trouvée aujourd’hui avec le projet d’organisation de la première rencontre nationale des korèdugaw au mois de mai prochain avec des activités à Kourouma et dans la ville de Sikasso.

Mali-Tribune : Pourriez-vous nous parler de la confrérie ?

A.N.D : Le mouvement Korèdugaw est une secte organisée en société secrète très fermée. Cette société a ses règles, ses lois et sa philosophie.

Dans les confréries et sociétés secrètes, le Duga est considéré comme le maître des cérémonies et l’amuseur public. Il sert d’agent de liaison entre les différents groupes d’âge.

La symbolique du Duga (vautour) est très forte chez les korèdugaw en ce sens que c’est un animal absolument inoffensif, indolent et gauche. Il se nourrit de charognes. Il ne tue jamais, donc évite de faire du mal. Le vautour, emblème des korèdugaw présente bien de mystères : le vautour est le symbole de la résignation du pardon de la passivité. Il peut vivre près d’un siècle s’il n’est pas abattu par un chasseur imprudent ou s’il n’est empoisonné. Il a l’ouïe et l’odorat que ne possède aucune autre créature. Il ne tue pas une proie, mais se nourrit de ce qui a été tué par autrui. On ne rencontre jamais un vautour mort par maladie.

Le Korèduga est donc la face cachée du savoir, de la sagesse et des mystères du korè. Pour mieux jouer ce rôle, il doit avoir un comportement fantaisiste qui frise le ridicule et cela lui impose une tenue incommode. Les Korèduga se regroupent par catégorie partageant la même philosophie de la simplicité, du ridicule et de la fantaisie.

Le Korèduga est l’homme du peuple. Il est l’interface entre les détenteurs de la science secrète et le bas peuple. Celui qui joue ce rôle social doit être un homme ouvert à tous les courants de pensée.

Le Korèduga étant un homme du peuple et maître du rire et de la distraction, se doit toujours d’adopter une position de compromis et de conciliation. A ce titre, il doit intervenir dans les conflits ou rapprocher les points de vue divergents entre des protagonistes. C’est pourquoi, il théâtralise toutes les scènes et n’hésite pas à tourner en ridicule, par la magie du rire et de l’imitation celui qui refuse toujours de pardonner aux autres.

Mali-Tribune : Quels sont les critères de base du mouvement Korèduga ?

A.N.D : La philosophie du mouvement se fonde sur le respect du prochain, la décrispation de toutes situations conflictuelles. Le korèduga est l’homme de la modération, de la tempérance et de la médiation. L’éducation korèduga se base sur le respect absolu de l’ordre social établi, la soumission à la hiérarchie, l’entraide, la maîtrise de soi dans le bonheur comme dans le malheur et le rejet total de tout ce qui est violent.

Mali-Tribune : Avez-vous des rites ou rituels propres à vous ?

A.N.D : Oui, il y’a des rituels propres aux korèdougaw. Ces rituels sont en général pratiqués lors de séances d’initiation, ou appliqués dans la conduite en société.

Ce que je puis vous dire à ce niveau est que les korèdugaw sont de très bons tradi-thérapeutes. Je sais également qu’ils possèdent l’antidote de plusieurs poisons.

Mali-Tribune : Les Korèdugaw ont-ils des interdits ?

A.N.D : Les korèdugaw initiés s’interdisent des relations intimes avec des femmes autres que les leurs et s’éloignent du cadavre. Par exemple, ils ne vont pas au cimetière.

Mali-Tribune : Quels rôles jouent-ils dans la société ?

A.N.D : Le Korèduga est le confident du chef de village. Il joue l’intermédiation dans les situations difficiles, notamment celles portant sur les conflits dans la communauté. Les Korèduga sont d’excellents médiateurs et tradipraticiens. Ils savent garder les secrets de la communauté, contribuant ainsi à en assurer l’harmonie.

Au regard des qualités intrinsèques de médiateurs des Korèduga, la confrérie n’a jamais été sollicitée à intervenir dans un Mali en crise à l’instar des griots, des chasseurs, ou des leaders religieux. Au moment où l’Unesco et les pouvoirs publics ont entrepris, depuis 2011 d’inscrire le mouvement Korèduga sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. Il est important que les maliens s’intéressent davantage à cette philosophie unique menacée de disparition. Le prochain événement inédit des Korèduga à Kourouma sera une opportunité pour mettre la lumière sur le mouvement, pour qu’ensemble nous puissions aux côtés des pouvoirs publics et de la communauté culturelle internationale donner corps et contenu à cette inscription comme patrimoine immatériel.

La jeunesse malienne est invitée à s’approprier de cette philosophie pour l’immortaliser et mieux préparer la conduite sociale et communautaire des générations futures.

Propos recueillis par

Aminata Agaly Yattara

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