Relier Dakar-Bamako par voie terrestre est un véritable parcours de combattant.  Par bus, il faut souvent 36 heures. Ce tronçon, malgré le racket des services de sécurité et de contrôle, les difficultés et la fatigue, permettent aux usagers de découvrir et d’apprendre beaucoup sur la culture malienne et sénégalaise. Une expérience unique.

Enfin les vacances. Après une année bien chargée en études et expériences, me voilà plus que ravie de revenir au pays. Les préparatifs du voyage et l’enthousiasme de rentrer étaient devenus le quotidien. A deux jours du voyage, j’ai réservé le billet du bus à la gare. Il coûte 25 000 F CFA. Le jour du départ, il faudra également payer pour les bagages en fonction de leurs quantités. J’ai dû payer 5 000 F CFA pour mes deux valises et un sac de voyage. Le départ était prévu pour lundi soir. Il fallait être sur place minimum deux heures avant le départ. Enfin le jour j, je suis arrivée à la gare à 15h. 

Pour quitter Dakar en bus, le départ, la plupart du temps, est prévu pour 17h. Le rendez-vous c’est au Beau-maraîcher, la grande gare routière du pays. Dans le brouhaha d’une ambiance houleuse, les passagers se font contrôler leurs billets et bagages. Les chauffeurs par-ci et contrôleurs par-là, le voyage promettait.

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Les apprentis finissent d’embarquer les bagages. Une liste des passagers est remise au contrôleur. Il fait l’appel et chacun rentre et s’installe. Le bus est fin prêt à prendre le départ.

A l’intérieur du bus, quelques minutes avant le départ, l’atmosphère était un peu bruyante. Certains font connaissance avec leurs voisins. D’autres sont concentrés à arranger leurs bagages pour avoir un peu plus de confort. Dans le bus, on y trouve les passagers de tous les horizons et domaines d’activité : commerçants, étudiants, simples visiteurs du pays de la Terranga, etc. Comme moi, mon voisin est aussi une étudiante.  Son nom est Fatoumata Sylla. Nous avons fait connaissance, ce qui rendra le voyage plus ambiancé. 

Après 1h 30 mn de trajet, nous sommes à Mbour. Une ville située sur la petite côte à l’ouest du Sénégal. Elle est à environ 80 km de Dakar. Là-bas, l’escale est brève car le trajet vient juste de commencer et les passagers ne pensent pas encore à la fatigue. Au contraire, ils profitent des instants et surtout de la bonne musique offerte par le chauffeur.

Après 3 bonnes heures de course, nous sommes allés à Kaolack. L’une des plus grandes villes du Sénégal, située à 191 Km de la capitale. On sent un peu de fatigue sur le visage de quelques passagers. Ils se précipitent hors du bus pour des besoins. Entre les vendeurs de fruits, les marchands d’eau, des stands de nourritures, un véritable petit marché. Pendant ce temps, d’autres se dirigent vers les toilettes communes. Ces toilettes sont taxées entre 50 et 100 F CFA. C’est un soulagement pour tous.

Contrôle de douanes dans une ambiance de corruption 

Le car reprend sa course. Il suit le long chemin « Dakar-Bamako », passe Diourbel et s’arrête à Kaffrine à 258 km de Dakar. Les douaniers procèdent à un contrôle de routine à chaque escale, dans chaque ville ou village. Ils fouillent tous les coins et recoins du bus et vérifient les bagages et les pièces de chaque passager.

Lors des contrôles dans notre bus, comme il y a beaucoup de marchandises à cause de l’approche des fêtes, les apprentis proposent aux passagers de cotiser pour soudoyer les agents de la douane. Voulant vite reprendre la route, les passagers ont accepté de mettre leur main à la poche. Ils ont dû payer plus cher que les autres vu que les marchandises qui nous pénalisent étaient les leurs. Cette coopération s’est faite dans une situation très déplaisante pour certains. Ces derniers ne voulaient pas payer car ils ne se sentaient pas concernés. Tandis que d’autres ont payé parce qu’ils voulaient juste que ça se termine et que le bus se remette en route. Pour calmer le jeu, il a fallu l’innervation des apprentis du chauffeur. Il nous explique que cette corruption est devenue presque normale et qu’il faut faire avec. J’ai donné 1000 F CFA comme participation.

Aux environs de 21h, soit 4 h d’horloge de voyage, nous sommes à Kaffrine et on se dirige vers Tambacounda. La plus grande ville du Sénégal est sa capitale administrative. La distance qui sépare Dakar de Tamba est de 464 km. C’est la ville où l’escale dure le plus longtemps. C’est là où certains bus font de nouveau le plein d’essence. C’est la dernière grande ville qui reste avant d’arriver à la frontière sénégalo-malienne, une distance d’environ 3 heures de route.

Il est 1h du matin. Après avoir parcouru, 11 heures, une demi-journée, nous y voilà enfin. Ça y est. Nous sommes à la frontière entre le Sénégal et le Mali. La frontière sénégalaise se trouve à Kidira, le dernier village avant de passer le pont qui sépare les deux pays.

Traversée de la frontière : un parcours de combattant 

Les passagers descendent et se dirigent vers une entrée barrée à l’aide d’une grosse chaîne en fer et gardée par des agents de sécurité. C’est la frontière. De l’autre côté, se trouve le Mali. Là où nous sommes, le Sénégal. Nous rentrons au Mali en dépassant l’entrée. Il y a un poste de contrôle devant. Le dernier poste de contrôle sénégalais.

Les passagers, tous épuisés, font la queue vers la caisse. Les détenteurs d’une carte sénégalaise sont immunisés. Ils ne payent rien.  Tandis que ceux ou celles qui sont d’une autre nationalité, malienne y compris, sont obligés de payer entre 3 000 FCFA et 5 000 F CFA pour rentrer au Mali. Avant, ce prix était de 2 000 F CFA mais il a considérablement augmenté cette année.

Voyager en temps de Covid

 « Cette augmentation est sûrement due à la situation pandémique qui règne toujours. En cette même période, l’année dernière, il était excessivement difficile de voyager. Le trajet était plus fatiguant et les dépenses étaient triplées car les mesures barrières étaient au summum. Il n’y avait pas de bus direct pour Bamako. Il fallait prendre un bus pour la frontière à 15 000 F CFA et un autre pour Bamako. Il fallait traverser la frontière en moto (de façon clandestine). Les fois où les douaniers refusaient catégoriquement, il fallait le faire en pirogue. Cette traversée était aussi payée. Le tarif était de 1 500 F CFA par personne et il fallait aussi payer le passage des bagages s’ils sont beaucoup. Quant à nous, nous étions trois personnes et nous avions payé 6 000 F CFA pour nos bagages et 3 000 F CFA pour chaque moto qui nous avait ramené. Après avoir traversé, les motos qui te ramenaient sur l’autre territoire, coûtaient 5 000 F CFA. Il fallait encore prendre le bus à 15 000 F CFA pour Bamako à la frontière. La frontière est également l’entrée d’un village qui s’appelle Diboli et elle est très habitée.

Après ce quart d’heure de tracasseries, anormales, les passagers foulent enfin le territoire malien. Le trajet doit être simple et les agents doivent juste contrôler que les passagers qui traversent la frontière sont en règle et aptes à traverser la frontière et non profiter de cela pour créer un business. Le bus, quant à lui, traverse le petit pont qui sépare les deux pays (Sénégal-Mali). 

Une fois le pont traversé, nous sommes sur le sol malien et devant la gendarmerie où le même scénario doit se répéter. Il s’agit de faire payer entre 2 000 FCFA et 5 000 F CFA aux passagers qui ne sont pas Maliens. En d’autres termes, seuls ceux qui ont la nationalité malienne sur papier ne paient pas. Comme au Sénégal. 

Ici des centaines de camions sont alignés les uns derrière les autres. Des voitures qui attendent d’être dédouanées. Des vendeurs de viande, de pain, des boutiques d’alimentation bien garnies occupent les deux côtés de la petite route qui mène à la douane malienne. C’est là où les voitures, les marchandises et autres qui viennent d’ailleurs passant par le port du Sénégal doivent être dédouanés.

Fatigués et affamés, les passagers profitent le temps que le chauffeur finisse avec les formalités au poste de contrôle pour se dégourdir les jambes, aller aux toilettes et se trouver à manger. 

« Cette formalité peut souvent prendre toute une nuit », confient le convoyeur et le deuxième chauffeur, chargé de seconder le chauffeur principal.

Il est 5 h du matin. Voilà que le bus est enfin prêt à rentrer au Mali. Le bus se dirige vers Kayes, la « Cité des rails », première région du Mali. Elle se situe à 8 h, voire 10 h de route de Bamako, selon le véhicule et la qualité de la route. 

Entre les cris des oiseaux et des animaux sauvages qui font leurs va et viens sur leur territoire qui est la forêt par laquelle passe la route qui va à Kayes. Le chauffeur de bus conduit avec la plus grande attention et le plus rapidement possible pour quitter cette zone. « Lors des discussions, les habitués de la route font comprendre que si le bus traîne dans cette forêt et qu’un lion ou autre surgit, le chauffeur serait obligé de s’arrêter histoire d’observer un silence total le temps que ce dernier face sa traversée et disparaisse de nouveau entre ces arbres gigantesques ».

A l’aube, à peine le soleil levé et sous les rosés du matin qui se posent sur les vitres du bus, voilà les passagers ravis d’être enfin à Kayes sains et saufs.

Soulagés, avec leurs visages qui expriment le sommeil et la fatigue, les passagers se précipitent dehors pour faire leurs besoins. Les jeunes vendeurs d’eau, de boissons et autres petits commerçants envahissent la devanture du bus. Chacun prend ce dont il a besoin et d’autres se dirigent vers les stands pour trouver quelque chose de consistant à avaler pour la route.

Le bus fait une autre escale à Ségala et ensuite à Diéma après 4 heures de route. Une des localités du Mali où des agents de police font des contrôles. Ils en profitent également pour taxer le chauffeur ou les passagers afin de se procurer un pourboire. 

Après Diéma, le bus passe le poste de Didiéni entre les marchands de boissons et les stands de Dibi (viande grillée), à la Malienne. Du Dibi chaud donc juste l’odeur appel à l’achat.  Enfin nous sommes à Kolokani, une des dernières localités avant d’arriver au poste de Kati. Il est à moins de 3h de route de Bamako.

C’est dans un climat qui donne l’impression d’être déjà arrivé chez soi que le bus fonce sur ces routes bitumées et dégradées pour rejoindre Kati. Certaines de ces routes sont tellement dégradées que l’on oublie le reste du trajet tellement que le bus secouait. Il fallait passer par des déviations à cause des chantiers sur la route.  

Kati est l’une des communes du Mali. Elle est située à 15 km de Bamako, la capitale. C’est le quartier après lequel le bus se dirige vers la gare à Badialan, un quartier de Bamako pour enfin mettre fin à sa mission qui était de ramener ses passagers sains et saufs.

Souvent, il arrive aussi que certains passagers descendent à Kati pour échapper aux protocoles à ce poste. C’est souvent à ce moment-là que les passagers à bord sont impatients de rejoindre leurs demeures.

Finalement, faire ce périple long de 1 168 km, est une école qui permet aux usagers de la route d’être confrontés aux dures réalités de nos populations. Aussi, il offre l’occasion unique de communier avec les habitants vivant tout au long de cette route et de prendre conscience de leur calvaire. Elle témoigne également des tracasseries dont les usagers sont victimes à cause du racket des services de sécurité et de contrôle : police, gendarmerie et douanes.

Assétou Traoré

(Stagiaire)

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