Selon certains témoignages de la période coloniale et des débuts de l’indépendance, Bamako aurait été une ville propre, coquette et éclairée par des lampadaires le long des avenues avec des rues et des ruelles bien entretenues par les services de sa mairie. D’autres témoins ajoutent que chaque matin des femmes armées de balais sortaient des familles et nettoyaient la devanture des maisons avec une conscience professionnelle qui manquerait aux ménagères d’aujourd’hui. Toute une littérature s’est construite autour de la beauté d’antan de cette vieille bourgade qui n’en était pas une, mais demeurait dans la conscience des lettrés de l’époque comme une référence. Un peu comme ces nostalgiques du passé colonial qui évoquent une période de splendeur de grandeur et de belle vie en songeant probablement à la désolation actuelle mais en oubliant volontairement les coups de cravache et autres brimades que le personnel européen faisait subir aux colonisés.

En réalité, Bamako ne fut autre chose qu’une grosse bourgade coloniale avec ses deux quartiers distincts : la zone européenne étalée au bord du fleuve avec ses lumières et le quartier indigène coincé entre le fleuve et la colline de Koulouba avec ses moustiques, ses rats, ses poux et ses maladies de toutes sortes.

On comprend dès lors que « l’expression Bamako, ville coquette » ne s’applique qu’au quartier européen et que c’est par excès de langage et probablement par imitation qu’elle s’est étendue à la ville indigène.

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De tout temps, celle-ci du reste n’est jamais sortie de son caractère villageois avec ses coutumes, ses danses et tout son folklore qu’elle arriva tout de même à sauvegarder en dépit de l’assimilation et des autres formes de domination culturelle que le colonisateur eut à cœur d’imposer aux populations.

Dans la période coloniale déjà, ses rues, conçues pour les charrettes et les quelques automobiles qui existaient, étaient étroites comme celles d’un gros village de l’époque avec des rues et ruelles construites en désordre. Seules les artères principales bénéficiaient de l’éclairage électrique ; le reste du secteur, soit plus de la moitié plongeait dans l’obscurité dès le crépuscule, n’étant éclairé que par des lampes à pétrole.

Les services de la voirie ne se déployaient que dans le quartier européen, rarement dans celui des autochtones même s’il y avait de gros commerçants ou des personnalités importantes. Les montagnes d’ordures que les populations actuelles nomment Kilimandjaro ou Mont Manding ont leurs racines dans cet environnement-là dans lequel le qualificatif « coquette »perd tout son sens. Les caniveaux que l’on trouve actuellement dans les quartiers fondateurs datent de cette fin de la colonisation française et malheureusement les différentes autorités municipales qui se sont succédé à la tête de la mairie ne se sont pas préoccupées de cette question, se contentant de vendre des lots à tout va et de se remplir les poches.

Maintenant, dès qu’il pleut, l’ancienne zone indigène se transforme en boue, mares, flaques d’eau dans lesquelles les habitants pataugent pour leurs affaires. Il arrive même qu’en hivernage des vents violents terrassent de gros troncs d’arbre et fassent des victimes parmi les passants. La métamorphose que l’on observe maintenant en termes de dégradation du contexte n’est que la suite logique de cette situation antérieure avec toutefois une grande part de responsabilité des différents responsables municipaux qui eurent à gérer cette cité de l’indépendance à ce jour.

Facoh Donki Diarra

(écrivain, Konibabougou)

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