« Le syndicat est fait pour donner raison à des gens qui ont tort« ! L’humoriste français, Coluche, avait le sens de la formule et cela est connu de tout le monde. Ce qu’on découvre avec émerveillement, c’est l’étonnante actualité du message d’un comédien mort en 1986, il y a 34 ans.
L’Organisation syndicale des travailleurs de Orange Mali (Ostom), un des deux syndicats-maison gagnerait à méditer cette pique de Coluche après avoir pris l’initiative d’une grève intempestive de 48 heures autour de la curieuse revendication de l’augmentation de la part d’actions du personnel à 10 % dans le capital social de la Société Orange-Mali, qui est aujourd’hui de 4 % concédé, il faut le rappeler, gracieusement aux employés dans le cadre de la politique de participation, qui est la marque des entreprises modernes soucieuses de l’intéressement du personnel.
« L’ennui naquit un jour de l’uniformité« , a écrit un jour Antoine Houdar de la Motte, écrivain et dramaturge français. En français accessible, De la Motte veut dire que le monde est devenu un enfer pour chacun, le jour où « tout le monde a voulu ressembler à tout le monde« . Ostom, sans doute de bonne foi, a posé la question suivante : « le personnel de Orange Mali détient 4 % du capital contre 8 % pour les employés de la Sonatel, pourquoi cette différence« ? Toujours cette propension à vouloir tout uniformiser !
Mais la réponse à la question se trouve dans la réflexion d’un cadre de la Société qui a requis l’anonymat : « Comparons ce qui est comparable. La Sonatel a 60 ans d’existence et elle est la structure qui a donné naissance à Orange-Mali, il y a seulement 17 ans. La Sonatel a 2000 agents contre à peu près 600 pour Orange-Mali. Orange-Mali a accepté d’accorder jusqu’à 4 % du capital au personnel pour l’inciter à plus d’implication et accroître le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Sur un plan comptable, certains oublient au passage qu’en valeur absolue 1 % du capital social de Orange-Mali est nettement supérieur à 1 % du capital de Sonatel : il est donc plus avantageux de se partager à 600 1 % des bénéfices de Orange-Mali que de se partager à 2000 1 % des bénéfices de Sonatel« . Démonstration implacable par les chiffres !
Mais ce qu’il est aussi important de savoir, c’est le fait que dans la relation employeur-employés, il ne figure dans aucun texte règlementaire sous forme d’obligation la cession d’actions, l’augmentation de parts dans le capital de l’entreprise etc. Toute initiative en la matière procède d’une démarche volontaire, comme Orange-Mali l’a librement consentie à son personnel.
Ce que les lois et textes exigent d’un employeur, c’est de veiller à garantir de bonnes conditions de travail et de vie pour les employés. Or sur ce terrain, le syndicat lui-même peut témoigner de la réalité et du confort du salariat dans l’entreprise. « La politique sociale et de rémunération de Orange-Mali est des plus avantageuses sur la place« , nous confie un responsable de service qui est arrivé à Orange-Mali après avoir travaillé dans deux sociétés réputées au Mali, donc suffisamment avisé pour apprécier les offres en la matière.
Après avoir pris l’engagement de mettre son personnel dans les meilleures conditions de travail, Orange a appuyé sa volonté sur une étude de compétitivité salariale rigoureuse pour déterminer les avantages à accorder et qu’on ne trouve guère dans d’autres entreprises au Mali.
Cette compétitivité, qui place Orange Mali en tête du peloton, porte sur le niveau des salaires, mais sur une multitude d’avantages qui vont du prêt habitat au prêt achat de véhicule en passant par la prise en charge des dépenses médicales du salarié et de sa famille jusqu’aux primes diverses (restaurant, carburant, rentrée scolaire, fêtes musulmanes ou chrétiennes) jusqu’au fonds social pour préparer le départ à la retraite. L’accompagnement de l’employé couvre tout le cycle professionnel et se poursuit après la vie active.
Tous ces avantages (salaires et acquis sociaux) sont largement mérités par les travailleurs qui mettent leur génie et leur force de travail au service du rayonnement de l’entreprise. Ils sont aussi à mettre au mérite des équipes de direction qui se sont succédé avec le challenge de toujours investir dans le capital humain qui est la première richesse de la société.
Le nouveau DG, Brelotte BA, continue d’entretenir cette dynamique et cette flamme de la performance pour consolider les résultats de Orange-Mali et conserver son rang d’entreprise où il fait « bon de travailler« sur le plan professionnel comme personnel.
Cependant, le progrès social, même dans une entreprise qui fait figure de pionnière dans la gestion de son personnel, n’efface jamais le droit des travailleurs à revendiquer, ni ne condamne les syndicats au chômage.
Mais la lutte syndicale s’égare lorsqu’elle emprunte des chemins qui sortent des règles ainsi que de sa vocation. L’actionnariat salarial ne fait pas partie du périmètre du syndicalisme : la preuve est que Orange-Mali a décidé de cette politique de participation quand il n’existait aucun syndicat dans l’entreprise.
Ce qui est regrettable, c’est le fait qu’une revendication qui n’est ni légale ni légitime puisse créer de la tension dans les relations entre le personnel et la direction de Orange-Mali. De nos jours, être membre d’un syndicat suppose une bonne connaissance de la législation du travail, une bonne maîtrise des questions financières même boursières pour savoir ce qui est exigible ou non des employeurs. Si cette demande d’augmentation de parts dans le capital social de Orange-Mali émanait de simples employés, le rôle du syndicat était d’engager une démarche pédagogique d’explication sur le caractère non légal de la demande.
Il est urgent et important de sortir de cette surenchère sous peine d’impacter négativement la marche de la société. Les conditions de travail à Orange-Mali sont très bonnes mais elles aspireront continuellement à l’excellence, donc à offrir encore des marges aux travailleurs à mesure que l’entreprise maintiendra le cap de son développement et de sa croissance.
Un syndicalisme inutilement agressif a sonné le glas d’entreprises dix fois plus puissantes que Orange-Mali. Des grèves intempestives affectent non seulement la productivité interne, mais diminuent fortement l’attractivité de l’action pour une société cotée à la Bourse.
En ces temps de crises de toutes natures au Mali, la préservation de l’outil de travail relève de la direction pour la justesse des choix de management, mais aussi du personnel pour le sens de la mesure dans toute action revendicative.
L’exemple de la société Huicoma, aujourd’hui disparue, nous rappelle qu’une petite partie du personnel peut entrainer tout le monde à la catastrophe si on laisse faire.
En conclusion, on peut laisser à un philosophe français le mot de la fin : « La raison souvent n’éclaire que les naufrages« . Autrement dit, tout le monde retrouve la raison au moment où le désastre s’est produit ! Orange-Mali est un fleuron dont il faut tout préserver : son personnel, sa direction et même ses…syndicats.
Mamadou Kanté
(Inspecteur du travail à la retraite)