A l’issue du sommet de Pau qui a réuni autour du président Emmanuel Macron, les Chefs d’Etat du G5 Sahel ont exprimé le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au sahel et plaidé pour un renforcement de la présence internationale à leurs côtés.

De clarification, Macron a tenté un jeu de poker-menteur qui lui a réussi sur toute la ligne devant les Chefs d’Etat du G5-Sahel discuter avec lui de l’avenir du Sahel.

La stratégie militaire envisagée, créer un état-major conjoint G5 Sahel-Barkhane et concentrer les efforts sur la zone des trois frontières en ayant comme cible prioritaire l’Etat Islamique au Grand Sahara, est un aveu du refus d’une franche collaboration de Barkhane avec les Forces armées maliennes des pays du Sahel. Et cela n’est pas du tout étonnant parce que Jean Yves Ledrian l’avait dès le départ, dit haut et fort à la presse française : Il est hors de question que l’armée française avise les autorités maliennes avant de mener ses opérations, ni de leur rendre compte après.

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C’est donc tout naturellement que l’armée française agissait sans aucune coordination avec les armées nationales de la région parfois même, sans consultation ni informations. Deux cas illustrent cette triste réalité: l’atterrissage à Werkela dans la Commune de Fana, d’un hélicoptère suspect qui a provoqué l’étonnement et l’indignation des populations, au point d’amener le ministre de la Sécurité Intérieure à adresser une lettre de protestation et la mise en garde du chef d’état-major des armées Burkinabè au Commandant des troupes françaises, contre le survol de l’espace aérien et des zones d’opération de l’armée sans en être informé au préalable.

Le fait d’afficher officiellement leur stratégie qui est de concentrer les efforts sur la zone des trois frontières, est manifestement de donner la possibilité à l’ennemi de se préparer en conséquence et d’anticiper en s’adaptant à la nouvelle donne et même à prendre des initiatives pour la contourner. On peut se poser la question de savoir s’il y’a la une réelle volonté de combattre l’ennemi, puisque les intentions ont été clairement annoncées. D’autant plus qu’un seul groupe armé, l’Etat islamique au Grand Sahara, est considéré comme « cible prioritaire ». On nous refile encore cette distinction arbitraire confuse et suspecte entre groupes armés non terroristes (rebelles) et groupes armés terroristes ou djihadistes qu’on doit uniquement combattre.

S’agissant du renforcement des capacités militaires des Etats de la région, il ne s’agit qu’un rassemblement hétéroclite et incohérent de dispositifs qui ne pourront jamais s’agencer parce que d’une part, ceux qui existent déjà comme l’EUTM, ont un bilan douteux, en tout cas pas du tout convaincant, et les autres présentés comme des initiatives révolutionnaires ne sont que des coquilles vides. Etant donné que la France a échoué à mobiliser d’autres partenaires pour le financement nécessaire.

Kidal, la France, le G5-Sahel

Concernant les mesures politiques et administratives de restauration complète de la souveraineté du Mali sur Kidal, cette formulation indique de façon à peine voilée, que le cas Kidal est imputable à nos Chefs d’Etat. Autrement dit, Kidal est un territoire interdit aux autorités maliennes, à l’Administration et autres services étatiques par la volonté des autorités maliennes. Parce que les autorités maliennes n’ont pas voulu. Et on les engage à réparer cette situation. Alors que l’Etat malien n’est nullement responsable. Cette situation a été sciemment créée par la France. L’Etat malien a plutôt manifesté sa volonté de ramener tous ses services, à Kidal. Tout le monde sait que la première tentative menée par le Premier-Ministre Moussa Mara a été sanctionnée par un bain de sang et des crimes odieux sur des représentants de l’Etat (préfet, sous-préfets, administrateurs civils) sous l’œil complice de l’armée française et de la Minusma. Non seulement la France cache sa trahison envers le Mali en se défaussant sur nos autorités, mais encore, elle charge nos chefs d’Etat d’une besogne qu’elle sait d’avance impossible sans la levée des goulots d’étranglement qu’elle a mis en place : rebelles armés contrôlant les régions de Kidal, à Tombouctou en passant par Ménaka, présence de la Minusma (dont la chaine de commandement est aux mains de la France).

En matière d’aide au développement, on nous a ressorti la vieille antienne de la nécessité de mobiliser les partenaires pour avoir les fonds nécessaires à la résolution de la crise sécuritaire, territoriale et humanitaire. La manœuvre consiste tout simplement ici à légitimer et renforcer le rôle de leadership de la France sous le couvert de « délégation réciproque ». Dans la pratique, personne n’est dupe à ce sujet. Les Etats du G5 Sahel seront amenés à déléguer officiellement à la France, leur pouvoir de gestion des fonds collectés.

Ce sommet a révélé son but caché : le renforcement de la présence française et le parachèvement de la mise sous tutelle complète des pays du G 5 Sahel dans les domaines sécuritaire, militaire et politique pour imposer sa volonté au profit de ses seuls intérêts.

Comme hier, la France n’a aujourd’hui nullement l’intention d’aider à trouver une solution à la mise en cause de l’intégrité territoriale du Mali et à l’insécurité des populations créée par les puissances impérialistes en instrumentalisant des groupes armés.

Nouhoum Keita

Journaliste, Analyste politique

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