« On ne remporte pas une victoire pour baisser les bras, parce que l’adversaire ne fera pas autant » enseigne Modibo Dama.

Littéraire de formation car sortant de la faculté des lettres de l’Université de Bamako le jeune écrivain, Modibo Dama est l’auteur du livre ‘’Pendule Rouillée’’ paru en 2017 chez Innov Editions. Un recueil de poèmes qui évoque une panoplie de thématiques dont le principal est le temps. Car Modibo met un accent particulier sur le passé et le pressent de l’Afrique victime d’actes de toutes couleurs. Nous sommes allés à sa rencontre pour parler de sa première publication littéraire.

Parle-nous de votre ouvrage !

‘’Pendule rouillée’’ est, du point de vue fond, un ouvrage à cheval entre le passé et le présent. Il traite des thèmes déjà abordés par plusieurs prédécesseurs. Donc il est une sorte de rumination, un retour sur le passé historique de notre continent, sur notre destin passé, à travers l’évocation des souvenirs de l’esclavage, de la colonisation, des multiples brimades et violations que nous avons connus. Beaucoup m’ont demandé pourquoi cet intérêt pour ce qui est passé. J’ai bien répondu, d’une part, qu’entre ce passé et notre présent, il n’y a que les mots et les méthodes qui ont changé, sinon au fond les mêmes problèmes demeurent. Hier, si c’étaient l’esclavage ou la colonisation, aujourd’hui ce sont les guerres ou les appauvrissements, et d’autre part, je reviens sur le passé pour rappeler que nous ne devons pas oublier et qu’il peut encore servir de source d’inspiration. Il y a toujours des gens qui n’ont ou n’auront pas entendu, donc il faut toujours reprendre, redire.

Quelles sont les raisons qui vous ont motivé à écrire ce livre ?

Les raisons qui m’ont motivé à écrire ce livre : ce sont celles de rappeler et de mettre en garde contre l’oubli et la distraction. On ne remporte pas une victoire pour baisser les bras, parce que l’adversaire ne fera pas autant. Vaincre n’est point le plus difficile, c’est conserver sa victoire qui l’est.

Si j’aborde dans ce recueil des thèmes relatifs à notre passé c’est pour inviter les uns et les autres à comprendre que les luttes qui ont été menées par nos prédécesseurs pour notre libération doivent rester d’actualité, que nous devons nous les approprier afin de conserver les victoires qu’ils ont acquises, mais qui sont malheureusement bien épuisées aujourd’hui par les guerres, les faims entretenues, les maladies provoquées, les pauvretés organisées, les appauvrissements, et le terrorisme surtout.

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‘’Pendule rouillée’’ est un rappel ; si vous lisez les textes qui le constituent, vous pourrez constater qu’ils commencent en rappelant le passé pour finir dans la relation des sévices que nous connaissons actuellement.

Pourquoi le choix de ce titre ‘’Pendule Rouillée’’ ?

Au départ, je voulais choisir comme titre Mauvais Temps. Mais, après je me suis dit qu’il me faut trouver un autre titre plus poétique et qui pourrait bien expliquer mon imaginaire. J’ai réfléchi et trouvé ‘’Pendule rouillée’’. En fait, la pendule sert à indiquer le temps. Si je dis Pendule rouillée, c’est une manière de dire le temps qui ne bouge pas. Donc, le titre ‘’Pendule rouillée’’ est tout simplement l’expression de la ressemblance qui existe entre notre passé et notre présent. Le temps n’a pas bougé chez nous.

Quel est le message que vous voulez transmettre à travers ce livre ?

Mon message à travers ce livre, c’est de signifier que notre lutte n’est pas finie. La littérature s’est toujours préoccupée des problèmes sociaux, mais rarement elle est parvenue à y mettre fin. Notre rôle est de prévenir, de guider. Dans ‘’Pendule rouillée’’ c’est un rappel et un appel au réveil. Mais avant, il faut se préparer conséquemment. Nous sommes d’abord à l’âge des efforts. Et, en m’adressant tout particulièrement aux jeunes, je leur dis que nous n’avons pas encore atteint l’âge de la distraction.

Celui-ci est votre premier livre, serait-il le dernier ? Si non, quels sont vos projets d’écriture ?

Je continue d’écriture. J’ai des manuscrits et un qui est déjà prêt, mais pas encore envoyé à l’édition. C’est de la poésie aussi, genre auquel les gens n’accordent pas assez d’intérêt sous prétexte qu’il est hermétique ; mais bon, en somme, c’est de l’écriture, et elle a son intérêt et son public.

Pourquoi ce penchant pour le genre poétique ?

Un attachement, ça peut l’être. Mais en tout ce qui est sûr c’est le genre que je maitrise mieux présentement. C’est une sorte d’imposition naturelle. Sinon quand je vais maîtriser davantage les techniques nécessaires pour les autres genres, pourquoi ne pas m’y essayer ? En fait, bien que la poésie soit souvent hermétique, elle ne demande pas tant de détours, de contournements comme le roman par exemple, qui demande non seulement une grande force imaginative mais aussi et surtout une connaissance approfondie du monde. Pour le moment, si je sais imaginer, je ne connais pas assez le monde. J’apprends, et le passage par la poésie est essentielle pour cela.

En outre, l’avantage de la poésie est, le fait qu’elle soit concise, de pouvoir véhiculer rapidement un message. Le roman, le théâtre ou l’essai demandent plus de temps à leur consacrer pour la lecture que la poésie ne le demande. Et aussi, la poésie permet l’expression spontanée des sentiments.

Et dans cette spontanéité, très souvent provoquée par la tristesse, la joie ou la colère, se trouve la franchise, la traduction brute et réelle de ce que le poète ressent. Il n’y a pas de feinte. La poésie est un genre sincère. Beaucoup d’écrivains commencent par cela.

Et si certains parmi eux ne publient pas leurs productions, d’autres publient les leurs, se parfont au fur et à mesure et restent dedans pour toute leur carrière. J’aime tous les genres littéraires, mais pour le moment, la poésie est le chemin que je sais marcher.

Un mot à l’endroit des jeunes par rapport à l’écriture ?

Le mot que je pourrai avoir à l’endroit des jeunes par rapport à l’écriture, je préfère m’adresser d’abord à ceux parmi eux qui sont dans l’écriture, mais qui sont à leur début, pour leur dire d’être patients, de se donner le temps nécessaire afin de produire quelque chose qui pourrait résister au temps et à l’oubli car, lorsque la vie d’un livre ne va pas au-delà de l’effervescence qui auréole sa naissance, il faut comprendre par là, qu’au moment où on le publiait, il n’avait pas encore mûri. La patience et la mesquinerie font un bon écrivain.

Ensuite, en m’adressant à ceux parmi eux qui ne sont pas dans le domaine de l’écriture ou qui s’apprennent à y entrer, je leur dis de lire. Cela nourrit l’esprit comme l’aliment nourrit le corps et développe le sens critique. Et même pour ceux qui sont déjà dans l’écriture, la lecture est nécessaire. Elle tient notre réflexion en éveil, et tant que la tête travaille, nous sommes différents des animaux.

Quel est votre mot de la fin ?

Mon mot de la fin, c’est d’inviter nos autorités à créer des conditions qui promeuvent le livre et par ricochet la lecture. Notre liberté et notre développement passeront forcément par la culture de l’intelligence, de l’intelligence de la jeunesse. Et cette culture pourra être fort difficile, tant qu’on ne mettra pas en valeur le livre, qui en est un outil essentiel et incontournable, par le fait qu’il contient du savoir, le monde. Je vous remercie.

Youssouf KONE 

Source : Aujourd’hui Mali

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