L’un des enjeux de la gestion efficiente du conflit communautaire au centre du Mali est la restauration de l’autorité de l’Etat. En effet, comme l’a si bien dit un confrère, le Centre n’est pas aussi vaste que le Nord pour qu’il devienne aussi rapidement un no man’s land. Hélas, en 2018, cette zone est devenue la partie du pays qui a enregistré le plus grand nombre d’attaques meurtrières avec au moins 500 victimes (537 morts plus de 700 blessés et des milliers de déplacés) selon un rapport des Nations unies !
L’année 2019 a commencé dans un bain de sang au centre de notre pays. En effet, le 1er janvier 2019, aux environs de 5 h du matin, une quarantaine de personnes ont été tuées lors d’une attaque dirigée contre le village de Koulogon-Peul (village situé dans la Commune de Koulogon-Habé, cercle de Bankass), par des éléments armés non encore identifiés portant des tenues des chasseurs traditionnelles (Donzos).
Parmi ces victimes civiles, des femmes et des enfants. Sans compter de nombreux blessés, des personnes disparues dans la nature ainsi que des maisons, hameaux et greniers volontairement incendiés.
« Les conflits intercommunautaires, corolaire de l’insécurité, constituent une menace bien plus sérieuse pour la cohésion et l’unité dans des contrées jadis réputées pour les compromis qu’elles avaient su développer entre les ethnies et les systèmes de production », a déclaré le président IBK dans son message de Nouvel an 2019.
« Les actions militaires et sécuritaires engagées, par les forces armées séparément ou en conjonction avec les troupes du G5-Sahel et l’Opération Barkhane portent de plus en plus leurs fruits », a souligné le chef de l’Etat. Pourtant, la liste des victimes ne fait que s’allonger dramatiquement.
Des localités sont en train d’être définitivement rayées de la carte du Mali. A l’image de ce « paisible et pauvre village (Koulogon-Peul) habité par des populations qui ont toujours vécu en parfaite harmonie avec leur environnement multiethnique. Du jour au lendemain, ce village s’est retrouvé rasé, intégralement incendié, toute vie humaine minutieusement traquée et éliminée par des hommes armés », a déploré Aliou Boubacar Diallo, le président d’honneur de l’ADP/Maliba. Et de s’interroger : « Que peut justifier une telle tuerie » ? Rien !
Nous sommes sur la même longueur d’ondes que l’homme d’affaires, candidat malheureux à la présidentielle de juillet 2018. Comme lui, nous sommes d’avis qu’il est temps de sortir « des communiqués laconiques et des déclarations » d’intention pour trouver une solution définitive à « ce conflit instrumentalisé par certains et transformé en génocide par ceux-là qui veulent mettre dos à dos les communautés ».
Peuls et Dogons, des boucs émissaires
Ces tragédies vont au-delà des affrontements communautaires. A notre avis, les Peuls et les Dogons ne sont que des boucs émissaires d’une recolonisation par la terreur et les conséquences dramatiques des manipulations politiques à distance. En témoignent les armements utilisés dans les derniers massacres. Il faut déjà saluer la décision du gouvernement d’élargir « le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) aux centres ».
Mais, cette volonté politique ne doit pas nous amener à occulter les questions pertinemment posées par le président d’honneur de l’ADP/Mali. Qui arme lourdement les populations civiles ? Qui sont ces « hommes armés » qui ne sont identifiés par leur tenue des chasseurs traditionnels ?
Ce serait une tautologie de dire que le gouvernement a une responsabilité historique face aux crimes qui se produisent au centre et au nord du pays. D’où la nécessité d’une riposte rapide et efficace pour rassurer davantage les communautés et faire des exemples de justice contre « ceux qui se promènent impunément avec armes et sang sur les mains ».
L’urgence, c’est de désarmer toutes les milices, voire toutes les populations sans exception. Pour ce faire, il faut impliquer les communautés au-delà des organisations identitaires basées à Bamako et dont certains responsables ne cessent de jeter l’huile sur le feu. Personne n’ignore l’influence socioculturelle et spirituelle du Hogon en pays Dogon. Tout comme les leaders de certaines confréries religieuses en milieux peuls.
Pourquoi ne pas s’appuyer sur ces leaders d’opinion pour désarmer toutes les milices. A défaut, les communautés vont délibérément de désolidariser d’elles. Mais, pour obtenir une telle implication, il faudra donner des garanties sûres à ces leaders et aux populations qui leur font confiance. Des gages sécuritaires notamment.
La sécurité est un préalable aux actions de développement
Même si le président IBK a raison de rappeler que « les solutions à nos crises sécuritaires ne peuvent pas être que militaires, elles sont également économiques et humanitaires ». Il est indéniable que la sécurité pour tous est le préalable aujourd’hui pour toutes les autres actions de pacification du Nord et du Centre de notre pays.
« Pour ce faire, il est impératif que l’action publique ne souffre d’aucun soupçon de parti pris ni de blanc-seing donné à des groupes d’assassins et de pilleurs », a aussi rappelé le parti Yéléma de Moussa Mara dans son communiqué de condamnation.
Une fois la confiance renouée entre l’Etat et les populations des zones, il sera facile de traquer les criminels par des mesures spéciales de contrôle et de régulation des armes au centre, au nord, voire dans tout le pays.
Comme l’a rappelé un confrère, le Centre n’est pas aussi vaste et austère que le Nord pour que des hordes de hors-la-loi se déplaçant en « petits groupes armés » (comme ceux qui viennent de commettre l’horreur et la barbarie à Koulogon-Peul) continuent à nous « dicter la loi du sang en toute impunité ».
D’où l’urgence de rétablir la présence étatique dans l’ensemble de la région de Mopti, pour ramener « le calme et distribuer la justice avec équité, gage de stabilité et de quiétude ». Et comme l’a défendu un autre confrère, « l’Etat ne doit pas perdre le monopole de la violence ». Il doit se donner les moyens de rapidement identifier et neutraliser ceux qui s’attaquent aux populations civiles.
Nous indigner ne suffit plus face aux massacres de civils désarmés et dont le seul tort est de croire en la capacité de l’Etat à assurer leur sécurité. Il faut agir pour mettre fin au bain de sang, pour enrayer le génocide qui est déjà là selon certains observateurs qui, malheureusement, jouent aux pyromanes et aux pompiers.
Si le gouvernement veut envoyer aux Maliens un signe de sa volonté de restaurer l’autorité de l’Etat sur le territoire national, le Centre lui offre aujourd’hui une bonne opportunité. Le gouvernement doit totalement reprendre la main dans cette région. S’assumer pour mettre fin à cette tragédie au centre du Mali par tous les moyens (dialogue et utilisation de la force contre les réseaux criminels) ne peut être qu’un début encourageant de la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du pays…
Naby
Le Focus du lundi 7 janvier 2018