Après trois semaines de campagne électorale, les Maliens ont accompli leur devoir civique le dimanche 29 juillet 2018. Qu’attendre du verdict des urnes ? Apparemment pas grand-chose si l’on s’en tient aux déclarations et comportements des candidats pendant la campagne électorale. Nos politiciens continuent de traiter les Maliens comme des enfants à qui il suffit de tendre des bonbons pour les attendrir et avoir leur faveur.

 

Pendant les trois dernières semaines, à l’occasion de la campagne électorale du 1er tour de la présidentielle qui a eu lieu dimanche dernier, les politiciens maliens ont dominé leur dédain et leur haut-le-cœur pour venir au contact des Maliens. Cette classe politique essentiellement constituée de l’élite bourgeoise du pays a été très proche du bas de l’échelle sociale. Trop près même.

A l’image de ce leader qui roule dans un véhicule dont le coût est évalué par les experts à entre 50 et 70 millions de F CFA et qui est venu partager du « dibi » (grillade) dans des endroits où rien ne l’aurait obligé à s’arrêter même une minute en temps normal. Ceux qui adorent le « dibi » (riche en calorie, donc en cholestérol) ont des endroits spécifiques où ils s’approvisionnent à travers les coursiers ou leurs chauffeurs.

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Nous avons vu certains emprunter les « Duruni » (transport en commun) sans doute pour la première fois de leur vie avec des passagers essentiellement constitués de leurs proches. N’espérez par le recroiser dans ce tacot en piteux état, sans visite technique et sans contrat d’assurance et à qui des milliers de Bamakois confient leur vie tous les jours faute de choix.

Ils ont aussi sillonné les marchés insalubres de la capitale. On s’interroge sur combien de litres d’eau de Javel ou autres produits antibactériens certains ont dû utiliser pour se laver de toutes ces souillures, ces mains sales et crasseuses serrées juste pour séduire un électorat avec le secret espoir de se hisser sur un piédestal : Koulouba ! A travers le pays, ces bourgeois, dont les portes sont quotidiennement fermées aux mendiants et autres nécessiteux, ont embrassé de petits enfants soigneusement lavés et préparés à jouer leur rôle de fan circonstanciel.

Pour habiter la colline du pouvoir, tous les sacrifices (humains, financiers…) sont acceptés. Pourvu que cela paye. Et aucune promesse n’est de trop, pendant la campagne, nous n’avons entendu que de beaux discours, de bonnes intentions pour ce peuple qui sera enfin heureux sans contrepartie parce que nos candidats sont tous armés de baguettes magiques. Des magiciens qui feront du Mali un Eldorado dans les années, voire les mois à venir quel que soit le vainqueur de la présidentielle. Oui, ils sont certainement doués les uns que les autres (dans la magie du mensonge et du bluff), mais ils ont tous la capacité de réaliser des miracles pour le Mali.

Et les Maliens n’auront qu’à s’asseoir à l’ombre pour voir les fruits murs tombés dans leurs bouches. Ils vont supprimer des impôts et des taxes, et les contribuables ne seront assujettis à aucun autre sacrifice fiscal pour combler le manque à gagner.

Les emplois vont pleuvoir du ciel et ses courants seront si forts qu’ils vont totalement déraciner le chômage. Quid de la pauvreté ? Plus de pauvre dans cet Eldorado vendu aux électeurs comme un château en Espagne. La pluie artificielle va inonder les terres naturellement fertiles. Les producteurs vont faire fortune et les consommateurs vont manger à leur faim sans trouer leur porte-monnaie. Notre cadre de vie va s’assainir systématiquement et les populations ne pourront juste que constater le miracle à ce niveau.

On ne rêve pas ! C’est ce que nous avons entendu les politiciens vous promettre les trois dernières semaines. On espère qu’ils n’ont pas réussi à vous endormir et vous gaver de rêves. Moi ? Non ! Je suis insomniaque et insensible à la piqure du discours politique.

Toute cette campagne n’a été qu’un grand bluff autour des projets gigantesques et des sommes vertigineuses pour bercer notre conscience et l’endormir. Comment ne pas faire rêver avec ces milliers de milliards à investir dans le bien-être de ceux qui n’ont même pas un kopeck pour satisfaire le minimum social ?

Mais, les Maliens devraient comprendre que briguer la magistrature du pays est une course qui se fait sur leur dos. Tout cela à nos dépens. D’où tirent-ils tant d’argent pour mener une campagne à l’occidentale, voire à l’américaine ? Pourquoi mettent-ils de telles fortunes justes pour avoir nos voix afin de réaliser leurs ambitions politiques ?

Les candidats ne sont pas venus à nous suite à une soudaine prise de conscience que le pouvoir n’a de sens que s’il est exercé au seul profit du peuple. Ils ne nous ont pas écoutés pour prendre en charge nos préoccupations réelles, mais juste pour nous donner l’impression que nous sommes importants comme ascenseurs politiques. Et une fois au sommet, il ne faut pas s’attendre à un retour d’ascenseur, car ils seront tellement occupés à rentabiliser leur investissement qu’ils ne se souviendront plus de nous, de notre misère.

Nous espérons que les Maliens ont compris le sens de ce grand déploiement de moyens (humains, financiers et logistiques) et qu’ils en ont tiré toutes les conséquences dans l’isoloir afin de choisir le « meilleur » des bluffeurs ! Parce que, à défaut de concrétiser leurs promesses d’Eldorado, ils pourront toujours nous tenir en haleine et nous nourrir d’illusion par des discours mielleux pendant les cinq prochaines années.

C’est à cela que la démocratie nous a habitués ces 27 dernières années. Et comme nous ne sommes pas prêts nousmêmes à assumer notre part dans le changement nécessaire, à consentir les sacrifices qu’il faut, nos voleurs, pardon leaders politiques vont continuer à régner sur notre pays comme des vautours sur un champ de bataille !

Dan Fodio

Le Focus du Lundi du 06 août 2018 

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