Sale temps à la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC) et chez son président Bakary Togola, par ailleurs président de l’Assemblée permanente des chambres d’agricultures du Mali (Apcam). D’une part, le Pôle économique de Bamako s’est décidé de voir clair dans la gestion de ladite fédération dont le président est sur la sellette ces temps-ci pour des présumés malversations financières. D’autre part, son ex- responsable financier qui a été entendu hier dans le cadre des mêmes enquêtes, a porté plainte dans la même journée d’hier au tribunal du travail de Bamako pour licenciement abusif contre son service employeur.
Dans différents articles, nous avions mis à nu la gestion opaque et douteuse au sein de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC), présidée par Bakary Togola. Le Pôle économique et financier de Bamako saisi sur dénonciations, a ouvert ce dossier sulfureux de corruption.
C’est ainsi que l’ex-responsable administratif et financier, Fadiala Coulibaly, (qui s’était d’ailleurs opposé à son président pour sa gestion cavalière), a été convoqué hier au Pôle. A présent, nous ne savons pas encore si Bakary Togola ou d’autres concernés par l’enquête sont déjà passés ou non. En tous les cas, tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin, un temps soit peu, seront entendus.
Nous ignorons également si c’est une plainte émanant de la Plateforme contre la corruption et le chômage des jeunes (PCC) du Pr. Clément Dembélé, qui avait menacé de porter plainte contre Bakary et ses proches collaborateurs pour malversations portant sur 20 milliards de F CFA. C’était le 14 juillet 2014, au cours d’un débat télévisé sur Africable Télévision. Ou bien si la procédure du Pôle est consécutive à une dénonciation anonyme comme ça peut être le cas.
Autre instance judiciaire, autre procédure. C’est encore hier dans la journée, que l’avocat de Fadiala Coulibaly a porté plainte au tribunal du travail de Bamako contre la Confédération « pour licenciement abusif ». M. Coulibaly a été recruté en 2014 pour un contrat à durée indéterminée sur recommandation de l’Agence française de développement (AFD). Ce recrutement s’est effectué dans le cadre du Projet d’appui à l’amélioration de la gouvernance de la filière coton (PASE II), d’un montant de 10 milliards de F CFA sur quatre ans. Il a été licencié en juin 2019 pour « fin de contrat », notifiéepar son président. M. Coulibaly a récemment indiqué dans une vidéo, lors des émissions radiophoniques et au cours d’un entretien qu’il nous a accordé, qu’il a été victime de son opposition à Bakary Togola contre des pratiques financières peu orthodoxes. « Avant mon arrivée, la Confédération n’avait jamais tenu de bilan comptable et financier, que j’ai institué sous l’insistance de l’AFD », a-t-il dit.
Pratiques financières peu orthodoxes
M. Togola, selon nos enquêtes, a installé un véritable clan et cercle familial pour abuser des fonds de la C-SCPC qui a mobilisé, de 2007 à 2013, 27 milliards de F CFA. Ces principaux bailleurs sont la CMDT et l’AFD, donc la Coopération française. Le président s’est entouré de son propre neveu, Mamadou Togola, du comptable de la confédération, de Raymond Dansoko le coordinateur et M’piè Doumbia, le trésorier général. Ce triumvirat, sous l’impulsion de son président, a fait de la confédération une vache laitière. Toute révolte de paysan qui prend vent de leur méthode machiavélique est étouffée dans l’œuf. Il nous revient que Bakary Togola se promène avec des chéquiers dans son sac et puise dans l’argent des producteurs de coton comme bon lui semble. Et pourtant ces financements sont destinés uniquement aux seuls producteurs de coton pour leur formation, sensibilisation, les achats d’intrants agricoles, entre autres.
Comme si M. Togola est abonné aux scandales financiers devant l’éternel, nous avions évoqué dans une de nos parutions, son accointance avec des importateurs d’engrais de la place, dans une affaire de vente d’intrants agricoles de qualité douteuse à la CMDT. Pour faire passer le dossier, la signature du PDG de la CMDT étant indispensable, avait été imitée. Là aussi, Bakary Togola est soupçonné d’être derrière cette imitation de signature. Ce contentieux qui n’est pas encore clos est aussi pendant devant le Pôle économique.
Toujours au cours de nos investigations, dans notre souci de recouper nos informations, nous avons tenté de rencontrer le coordinateur Raymond Dembélé qui a prétexté d’un voyage pour nous envoyer paitre. Bakary Togola est quant à lui injoignable au téléphone. Malgré notre sollicitation auprès de sa secrétaire de l’Apcam, nous n’avons pas eu de suite. Son neveu, Mamadou Togola, n’a pas tourné autour du pot. Il nous a tout simplement dit que ceux qui sont habilités à parler au nom de la Confédération sont le président et le coordinateur. D’ailleurs, il s’était proposé d’avoir un entretien avec son oncle de président, mais sans réponse.
Comme le dit un adage, « le silence est coupable », ou « qui ne dit mot consent ». Grâce à l’argent mal acquis, Bakary Togola agit comme s’il se sentait sur un trône royal. Selon des propos rapportés par ses proches interlocuteurs, il dit à qui veut l’entendre, qu’il n’a pas peur de procès au Mali, puisqu’il dit être capable « de payer tous les procureurs du Mali ». Un feuilleton à suivre.
Abdrahamane Dicko