L’UNTM est prise à partie ces derniers temps pour n’avoir pas ouvertement pris position en faveur des acteurs du soulèvement contre IBK. A voir de près le rôle joué par la Centrale syndicale dans l’avènement de la démocratie dans notre pays et sa place sur la scène internationale, des raisons évidentes justifient sa neutralité.

Il y a quelques jours, l’UNTM avait réagi par lettre interposée sur les dernières manifestations du M5-RFP. Son Secrétaire général, Yacouba Katilé s’était insurgé contre les violences s’étant soldées par des morts de manifestants par balles et de nombreux blessés. Il avait aussi condamné les casses des biens publics et privés par les mêmes manifestants déchaînés.  Selon des opinions diversement exprimées ci et là dans la presse et sur les réseaux sociaux, des citoyens ont jugé que l’UNTM devrait aller plus loin en se joignant aux contestataires qui demandent le départ d’IBK.

Les faits sociaux contemporains de notre pays montrent que l’UNTM revient de loin et de très loin. La principale Centrale syndicale, avec ses 13 syndicats nationaux (en ces temps de pluralisme syndical magnifié par la présence de trois autres centrales syndicales), a son nom intimement lié à l’avènement de la démocratie et du multipartisme intégral dans notre pays. En 1991, année de la chute du régime du général Moussa Traoré, elle ne s’est pas fait prier pour s’associer au conglomérat d’associations, politiques appelé plus tard le Mouvement démocratique. L’UNTM était à la tête du combat comme pour montrer sa détermination à lutter aux côtés du peuple affamé, meurtri, en soif de démocratie et de liberté.

pub

La vocation d’un syndicat n’est pas a priori de faire de la politique. Syndicat et politique ne riment pas ensemble en ce sens que le premier joue le rôle de contre-pouvoir et de défenseur des intérêts matériels et moraux des masses laborieuses et le second celui de décideur. Une raison essentielle justifiait alors l’avènement de la Bourse du travail (siège de l’UNTM) aux côtés de ceux qui se sont mus plus tard en partis ou associations politiques. Une fois l’objectif atteint, elle s’est retirée de ce cheminement dichotomique pour revenir à sa mission primordiale de syndicat (société civile).

Des ingrédients réunis

En 1991, tous les ingrédients étaient réunis pour la participation de l’UNTM à la lutte politique pour l’avènement d’un Mali démocratiquement, multipartite et juste pour le travailleur malien. A cette époque, les maux avaient pour noms retards chroniques de salaires des fonctionnaires (de 3 à 6 moins), précarité et paupérisation avec des niveaux de salaires les plus bas de la sous-région, fermeture des sociétés et entreprises d’Etat, manque de liberté syndicale et de parole, etc. Il ne fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres.

Une décision historique a été prise dans ce sens par le Conseil central de l’UNTM, l’organe stratégique qui siège entre deux congrès. Bakary Karambé (paix à son âme) le Secrétaire général d’alors et les siens ont acté l’entrée en scène de leur Centrale. La suite est connue, avec des marches suivies de répressions meurtrières et des menaces de grèves illimitées, les militaires conduits par ATT ont fini par déposer la soldatesque de Moussa Traoré jugée indéboulonnable après 23 ans de pouvoir.

Beaucoup d’eaux ont coulé sous le pont. Le contexte sociopolitique a fondamentalement changé de nos jours. Les régimes successifs d’Alpha Oumar Konaré à IBK en passant par ATT, ont remis petit à petit les travailleurs dans leurs droits. A travers les luttes syndicales bien sûr, les salaires de cadres supérieurs estimés jadis à 60 000 F CFA ont été rehaussés à plus de 500 % (entre 300 000 à 400 000 F CFA de nos jours). Les diverses primes ont été aussi revues à la hausse. Des augmentations exponentielles ont été obtenues grâce à l’adoption de nouvelles grilles salariales et indiciaires, de nouveaux statuts, entre autres. La liberté de parole est une réalité avec la pluralité médiatique (presse écrite, presse en ligne, radios et télévisions privées).

Logique de syndicat de veille

Toujours sur le plan social, jusqu’avant le coup d’Etat de 2012, le Mali était cité parmi les modèles de démocratie en Afrique et dans le monde, où on pouvait compter sur le transfert pacifique du pouvoir. Fidèle à sa tradition de syndicat de référence, qui se garde jusque-là de mélanger les choux et les serviettes, l’UNTM a refusé de cautionner le coup de force du capitaine Amadou Haya Sanogo et sa bande. Raison avancée : les contextes sociaux ne sont plus les mêmes. Ce qui lui a valu des représailles. Le bureau de son Secrétaire général Siaka Diakité (paix à son âme) a été saccagé et incendié.

L’UNTM se trouve plus que jamais dans cette logique de syndicat qui veille sur la défense des intérêts de ses militants, tout en restant défenseur de la stabilité dans le pays. Elle est d’ailleurs sous le contrôle des organisations syndicales sous-régionales et internationales dont l’Organisation de l’union syndicale africaine (Ousa) qui a tenu en 2017 son congrès dans notre pays pour magnifier le rôle d’équidistance joué par l’UNTM entre le politique et social.

Une prise de position de la Centrale syndicale dans le sens souhaité par les pourfendeurs du régime se soldera inéluctablement par le chaos total que personne ne souhaite pour notre pays. Une grève déclenchée par les services publics, tous affiliés à l’UNTM sans compter le secteur parapublic et privé sera grave de conséquences économiques et sociales. On se souvient des grèves de 2014 et 2017 où avec les seuls services de l’assiette, le trésor public a perdu des centaines de milliards de F CFA par jour. La semaine dernière les 72 heures de grève du Syndicat national des banques, assurances et établissements financiers (Synabef) ont été circonscrites dès le premier jour grâce à l’initiative de l’UNTM avec la participation du patronat. Ce qui a été un grand ouf de soulagement pour le citoyen lambda et même tous ceux qui vivent en terre malienne.

Ces raisons fondamentales expliquent en grande partie la neutralité observée par la Bourse du travail dont le rôle de sentinelle ne signifie pas son cautionnement des errements du pouvoir d’IBK. Bien au contraire. Des dérives de gouvernance, l’UNTM les a d’ailleurs dénoncé en son temps jusqu’à appeler à la tenue d’une Conférence nationale souveraine bis ou d’un dialogue national inclusif (le concept est venu de la Bourse du travail lors d’une allocation de son Secrétaire général) le 1er mai 2017, pour disséquer les maux de la nation. L’accusée dans les circonstances actuelles de duplicité avec le pouvoir ou de pactiser avec le diable, n’est pas de bon aloi si l’on se donne le temps d’une analyse critique de la situation.

Abdrahamane Dicko

pub

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre commentaires s'il vous plaît
Votre Nom s'il vous plaît