Amadou Cissé, Paul Ismael Boro, les spécialistes de la volteface
La présidentielle dernière a tenu toutes ses promesses en termes de démasquage des politiques maliens. De mémoires de Maliens, c’est la présidentielle la plus disputée de l’histoire de notre jeune démocratie. S’il y a un mérite à mettre au compte e cette élection, c’est d’avoir permis de débusquer les opportunistes de la scène politique. Parmi eux, deux figures de proue ravivent la vedette à tous les autres. Il s’agit de Paul Ismael Boro et de Amadou Cissé. Respectivement Directeur de campagne du candidat du Mouvement Mali Kanu, Modibo Koné et responsable de la jeunesse du parti Forces Alternatives pour Renouveau (Fare An Kawuli). Comme la honte est morte sous nos cieux depuis belle lurette, ces deux hommes des spécimens en matière de politique. Reconnus grands transhumants devant l’éternel, après avoir milités dans presque tous les partis politiques de la place, ils ont décidé de déposer leurs bagages pour le premier au Rassemblement pour le Mali (RPM). Dans ce parti, l’homme a bénéficié des largesses du pouvoir. Il s’est vu propulser à un poste de Directeur général du Centre international de conférence de Bamako. Un poste qu’il n’aurait jamais pensé avoir durant sa carrière. Pour plusieurs raisons, il a été relevé par ses employeurs. Il a vu en cela une trahison de haut niveau. Paul Ismael n’a pas mis du temps à plier bagage vers une destination inconnue jusqu’à la création du Mouvement Mali Kanu. Ainsi, il se ligua avec l’ancien Président-directeur général, Modibo Koné. Ce dernier, à son tour, nourrit une haine viscérale pour le régime en place. Paul Ismael a décidé de participer à la campagne avec Modibo Koné pour évincer le président IBK, en qualité de directeur de campagne. Après le premier tour de la présidentielle, son candidat a décidé de ravaler sa fierté et de rejoindre son « ennemi » pour le second tour. Au lieu de suivre, son candidat dans la nouvelle aventure. Paul Ismael a, lui, opté pour l’autre camp. Question d’égo ou opportunisme. Allez-y savoir !
Amadou Cissé l’As de la volteface
Dans ce registre, Paul Ismael n’a rien à envier à Amadou Cissé, un autre jeune loup avec appétit très aiguisé. Comme une girouette, cet homme, à lui seul, est un phénomène à part entière. Il sait toujours trouver le sens du vent et n’est jamais loin de la marmite. C’est ainsi que l’ancien leader estudiantin a fait ses premiers pas en politique aux cotés de Oumar Ibrahima Touré, actuel président du parti Alliance pour le Mali (APR), alors militant de l’Adema. Ce dernier, lui confia son premier poste politique dans le cabinet du ministère délégué à l’Elevage et à la pêche en qualité de chargé de mission. Le ministre Touré fut vite surpris de l’instabilité de l’homme et son manque de loyauté. Touré n’a pas mis du temps à le remercier. Il pataugea pendant longtemps à la recherche de la position du vent, avant de déposer son baluchon chez Modibo Sidibé. Le méconnaissant, l’ancien Premier ministre, lui confia plusieurs postes de responsabilité dans son parti. A la suite du premier tour de la présidentielle, Amadou Cissé à la surprise générale, a décidé de rejoindre le camp des vainqueurs et d’abandonner Modibo Sidibé et ses camarades déchantés. Pour magnifier son arrivée dans ce camp, il a demandé et obtenu la parole, lors du meeting de clôture de la campagne du second tour de la présidentielle. Avec le ton véhément qui le caractérise, il a chanté les louanges du président IBK devant un public aussi surpris qu’estomaqué. Quelques jours auparavant, il affirmait que « seuls, les maudits votent pour IBK ».
Ces deux jeunes constituent des spécimens très rares des jeunes politicards guidés par la seule volonté du gain facile. Des partisans de moindre effort qui n’ont qu’une seule conviction, l’argent ou le pouvoir.
Dieu veille !
Les grands perdants
A l’issue de la présidentielle de cette année, il y a beaucoup d’hommes politiques qui ont perdu plus que leurs sous. Il s’agit de Mamadou Igor Diarra, Choguel Maïga, Konimba Traoré. Hamadoun Touré, Daba Diawara, Aliou Boubacar Diallo, Moussa Sinko, Modibo Kadjoké, Dramane Dembélé, Mohamed Aly Bathily, entre autres.
Après avoir vu midi devant leurs portes, ils ont tous déchantés dès le premier tour. Avec des fortunes diverses, certains ont compromis leur carrière politique au moins pour les cinq prochaines années. D’autres ont tout perdu jusqu’à leur honneur et leur dignité.
Dans le premier lot, sont logés Mamadou Igor Diarra, ex grand, allié d’IBK au début du quinquennat qui s’achève. Hamadoun Touré, l’ex fonctionnaire international. Moussa Sinko Coulibaly, l’ex Général démissionnaire de l’armée. Modibo Kadjoké, l’ancien patron de l’APEJ.
Le premier après s’être bien gavé dans les premières heures du régime, a été remercié du gouvernement pour on ne se sait trop quel motif. D’aucuns parlent de malversation et de corruption. Depuis, il est retourné à ses vieux amours, la banque. C’est ce qu’il sait faire de mieux du côté du pays de la Terranga. Il s’est laissé embarquer dans une aventure avec l’ancien président du Conseil national des jeunes, Mohamed Salia Touré qui l’a fait miroiter Koulouba à travers un mouvement citoyen dénommé ‘’Wélé Wélé’’. Il a cru en son étoile, comme le président Macron. Il s’est identifié en ce dernier, car ils ont tous les mêmes profils. A la dernière minute, Salia Touré et ses compagnons, l’ont abandonné au bord de la route pour embarquer dans le bus Soumaila Cissé. Igor Diarra a vu son rêve s’envolé comme par magie. Malheureux au premier tour de la présidentielle, il doit tout reprendre à zéro, même s’il semble être à l’abris du besoin. Avec son profil et CV assez riche, il ne devrait pas durer à trouver un employeur.
Le fonctionnaire international
Hamadoun Touré, ex-secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT), s’est visiblement trompé dans ses propres schémas. Ce technocrate a cru un instant, qu’il avait un destin présidentiel. Fort d’une riche et brillante carrière à l’étranger, il a oublié que ‘’nul n’est prophète chez lui’’. A défaut d’un parti politique pour porter sa candidature, il créa une association dans la foulée dénommée ‘’Alliance Kayira’’ sous les couleurs de laquelle, il s’est porté candidat à la présidentielle. Hamadoun Touré a été vite déchanté, selon certaines indiscrétions, car les fonds pour accompagner sa candidature, n’ont pas suivis. Il aurait été victime d’arnaque de la part d’un conseil financier qui aurait placé ses avoirs dans des paradis fiscaux. Ce dernier se serait évaporé dans la nature avec l’argent de Touré. En pleine campagne électorale, il s’est retrouvé sans le sous. Comme s’il n’apprenait pas de ses erreurs, après sa déroute au premier tour, il n’a pas rallié le camp des vainqueurs. Il a préféré suivre Soumaila Cissé et Tiébilé dans leur démarche de contestation stérile. Par cet acte, il bousille toutes ses chances d’être inviter à la table du gouvernement. Il peut méditer sur son sort durant les cinq prochaines années dans sa somptueuse résidence de Faso Kanu entre les portraits de chevaux dont, il raffole.
Le Général d’épaulette
S’il y a un homme qui a beaucoup perdu dans cette bataille de titans, c’est bien le « Général takokelen », Moussa Sinko Coulibaly. Seul rescapé de la bande des putschistes de 2012, il occupait le prestigieux fauteuil de Directeur de l’Ecole de maintien de la paix, Alioune Blondin Bèye, avant d’être piqué par « une folie » de démissionner avec fracas et de son poste et de l’armée. Aussitôt, il a pensé pouvoir drainer les frustrés du régime. Sinko Coulibaly a été vite désabusé. Il réalise un score ridicule au premier tour et sort par la petite porte. Réputé brillant officier, bradé de diplômes obtenus dans les plus prestigieuses écoles de guerre à travers le monde. Cela ne lui a pas suffi de se noyer dans le paysage politique. Il a maintenant cinq ans pour méditer sur la gravité de son acte.
L’autre grand perdant du lot, c’est Modibo Kadjoké qui a subitement pris la décision de se présenter à la présidentielle. Même c’est une décision de l’instance suprême de son parti APM-Maliko, il a pris un gros risque en abandonnant son fauteuil pour aller dans une aventure qui lui aurait apporter beaucoup de chose s’il avait réalisé un bon score. Mais, hélas, il a joué et a perdu. Il va devoir se refaire. Vu qu’il a décidé de s’aligner du côté des protestataires, ce n’est pas évident qu’il soit rappelé aux affaires, car la liste des alliés à récompenser est trop longue.
Les déchantés
Dans le second lot, on retrouve ceux qui ont tout perdu, en occurrence Mohamed Aly Bathily et Choguel Maïga. Le premier est un grand populiste devant l’éternel. Ancien porte-parole du candidat IBK en 2013 et ministre de la Justice, des Domaines de l’Etat par la suite, il n’a jamais pardonné à son employeur son renvoi de l’attelage gouvernemental. Avec la langue mielleuse et des propos hasardeux. Il n’a cessé de multiplier les bavures et les attaques contre le régime qu’il servait quelques mois encore avant la présidentielle.
Avec plus de 22 ans de carrière de services dans l’administration publique, Mohamed Aly Bathily est arrivé avant dernier du scrutin du 29 juillet avec moins d’un pour cent des voix. Aussitôt, il s’improvisa porte-parole des autres candidats malheureux. Bonjour, la vindicte et les accusations les unes plus graves que les autres. Avocat de son état que son rejeton de rasta qualifie de ‘’maudit’’, il avait tellement envie de se venger de son ancien mentor, qu’il lui a germé dans une partie du cerveau qu’il pouvait le remplacer. Pour ce faire, l’homme fauché a cru bénéficier du soutien des pauvres populations rurales qu’il n’a jamais cessé de monter contre le régime, même en tant que ministre. Malheureusement, ces populations lui ont tourné le dos, et il récolté des miettes lors du premier tour.
Avec cette aventure hasardeuse, il peut retourner défendre les dossiers de ses clients au niveau du Cabinet Sèye où il est associé. Il aura tout perdu jusqu’à remettre son honneur et sa parole en doute. Pendant, le temps de la campagne, Bathily s’est avéré un homme versatile et très susceptible aux yeux des Maliens. Il dit une chose aujourd’hui et demain son contraire.
Le prisonnier en sursis
Aliou Boubacar Diallo est l’un des plus grands perdants de cette bataille. L’homme en grande difficulté avec la justice nigérienne et française. Il a réuni toutes ses forces physique et financière pensant pouvoir faire un hold-up électoral. Plus de 3 000 motos ont été distribuées à ses militants. Malgré le soutien de la famille chérifienne de Nioro, l’homme pas pu dépasser le premier tour. Allié du président IBK en 2013, les proches de Diallo confient qu’il a injecté 3 milliards de nos francs dans la campagne d’IBK en 2013. Il a divorcé d’avec ce dernier, vers la fin du quinquennat pour des raisons pas totalement claires. Candidat de son parti, l’ADP-Maliba, Diallo après une campagne outrageuse, va devoir s’apprêter à répondre à la justice qui l’attend de pied ferme. Il a des soucis à se faire, quand on sait que sa mine de Kodiéran n’a jamais produit une once d’or. Sa fameuse découverte de gaz, selon les experts est un grotesque montage et coup médiatique pour attirer des potentiels investisseurs. Réputé très futé, cette fois ABDOR comme l’appelle affectueusement « ses disciples » semble avoir joué toutes ses cartes.
Il s’est arrangé dans une position radicale avec le régime en place, qui laisse présager qu’il a des sérieux soucis à se faire. Il n’aura droit à aucune prime à l’impunité et avec lui tous ceux qui osé l’aventure sans lendemain. Dans cette quête du pouvoir, ABDOR est parvenu à faire effondré le mythe du « Cherif de Nioro, faiseur de roi ». Déjà, c’est la débandade dans les rangs de son parti. Les plus futés ont déjà cherché la direction du vent, car ils ne peuvent pas supporter 5 ans à côté de la plaque.
L’autre imprudent de la bande est Dramane Dembélé. Vice-président de l’Adema avant la précampagne, il a été radié des rangs du parti pour indiscipline. Dramane Dembélé fait partie de ceux qui estiment que le parti doit présenter un candidat quoi que cela aura couté. La direction du parti a décidé de soutenir la candidature d’IBK dès le premier tour. Sous la bannière, d’une association créée dans la foulée et qu’il a nommé ARDEMA, Dramane s’est présenté à la présidentielle. Il récolte des miettes. Ancien ministre de l’Urbanisme d’IBK, il a décidé de prendre le maquis contre ce dernier et son régime. Il justifie son acte par la nécessité « de rester logique avec lui-même ». Après l’hémorragie financière de la campagne, il doit ramer très fort pour pouvoir supporter la traversée du désert qui s’annonce pour lui.
Les retraités politiques prématurés
A l’issue de cette présidentielle, plusieurs figures emblématiques de la classe politique malienne vont devoir prendre leur retraite. Parmi-eux, Soumaila Cissé, Choguel Kokalla Maïga, Mountaga Tall et Daba Diawara.
Il était prévisible que cette présidentielle allait laisser des traces, notamment dans le fondement de beaucoup de partis politiques. Soumaila Cissé, président de l’URD, affaiblit par une vilaine douleur à la hanche après sa chute de 2012. Fatigué et épuisé sous le poids de l’âge, en 2023, il aura 73 ans. Son parti en déconfiture après une lourde défaite à la présidentielle, l’homme ne parvient pas à créer l’unanimité autour de lui et au sein de la classe politique malienne. En témoigne le manque de solidarité que ses alliés de l’opposition lui ont montrés, lors de cette élection. Il aura mieux fait de s’occuper de ses petits-enfants et profiter d’eux dans son jardin.
Les stratèges
Dans la course pour Koulouba, il y a eu des stratèges. Il s’agit forcément de Housseini Amion Guindo dit Poulo et de Jeamille Bittar.
Si le premier a démissionné un mois avant la présidentielle pour se porter candidat. A sa sortie du gouvernement, il a refusé de vouer le régime aux gémonies. Il s’est contenté de reconnaitre qu’il n’a aucun problème avec ni avec le président de la République ni le premier ministre. Une façon de se laisser une porte au cas où, il devrait revenir. Contrairement à Mohamed Aly Bathily, Dramane Dembélé, Choguel Kokalla ou encore Mountaga Tall, il est resté sobre. A l’issue de la présidentielle, il a été tout sauf ridicule. Poulo s’en est sorti avec un score honorable, respectant le rang qu’il réclame sur le scène politique malienne. Il a vite fait de rejoindre le camp de son ancien allié pour le second tour. Cette stratégie devrait lui permettre de revenir aux affaires. En vrai stratège, il s’en sort à bon compte.
L’autre stratège de la politique malienne est Jeamille Bittar, ancien du PDES. Il créa le MC-ATT pour réclamer l’héritage du président ATT dont il se veut un fervent défenseur. Lors de cette présidentielle, Jeamille Bittar a sillonné les deux camps (l’opposition et la majorité). Il a pesé, sur pesé les tenants et les aboutissants avant de se décider à rejoindre du candidat Ibrahim Boubacar Keïta. L’opérateur économique veut griller ses arachides et il ne peut prendre le risque d’aller avec l’opposition. Bittar craint certainement les affres de l’opposition ou le rouleau compresseur du régime en place. Pour un opérateur économique averti, son choix ne pourrait être hasardeux.
Les partisans de la théorie du complot
Battu à plate couture par le président IBK au deux tours du scrutin présidentiel, Soumaila Cissé et ses acolytes crient au scandale. Après plus de cinq ans de campagne de diffamation, de dénigrement et d’insinuation contre IBK et son régime, ils ne comprennent pas comment, en un mois il est remonté dans les sondages. Ils estimaient avoir enterré IBK dans l’opinion nationale supposée lui être défavorable. Ainsi, friands de la théorie du complot de la fraude et des bourrages d’urnes. Depuis, ils ont décidé de prendre la rue pour s’exprimer. De l’intox sur les réseaux sociaux, des caravanes pour clamer une prétendue victoire, rien n’y passe. Malgré les injonctions de la communauté internationale appelant au calme. Soumaila ne veut rien savoir, il s’est autoproclamer président de la République et appelle le peuple au soulèvement.
Rassemblés par la Rédaction
Azalai express du 20 août 2018