Le Premier ministre, chef du gouvernement a entrepris depuis quelques jours de rencontrer les forces politiques et sociales pour « échanger sur les actions du gouvernement en cours, les réformes politiques et institutionnelles envisagées, le processus électoral et le découpage administratif du pays ».

Nous avons toujours pensé quele dialogue et le débat ouvert et public doivent être remis au cœur d’une action politique rénovée et de ce point de vue, cette démarche du gouvernement est à saluer. Pour autant, l’initiative est insuffisante à certains des égards.

Elle l’est, au regard de la gravité de la situation parce quenotre pays fait face réellement à des périls majeurs et il est temps pour tous d’en prendre conscience. Une situation, davantage dégradée en raison des graves irrégularités et fraudes qui ont entaché le processus électoral et qui constituent une menace pour notre système démocratique.

pub

Insuffisante, elle l’est plus encore, parce que ce qui nous a été exposé n’est pas sous-tendu par une vision, un projet cohérent de sortie de crise.

La conférence sociale, vue comme bouée de sauvetage d’un front social brûlant, risque de conduire aux chocs des intérêts catégoriels sur fond de défiance vis-à-vis des pouvoirs publics plutôt qu’à un « pacte social » véritable.

Sans projet partagé de décentralisation intégrant le rôle, la place des populations et des territoires, il est à craindre que les conférences régionales précipitées ne soient sources de crispations et d’affaiblissement de notre cohésion nationale.

Sortir des inquiétudes et des  incertitudes

Dans un tel contexte portant les germes véritables d’une crise identitaire, sécuritaire et institutionnelle grave pour notre pays,l’absence de vision et de perspectives d’avenir aggravent les inquiétudes et les incertitudes que ressentent nos compatriotes. La seule exigence de l’heure, c’est de dégager des perspectives solides de sortie de crise, de restaurer la confiance des Maliens de l’intérieur et de l’extérieur en eux-mêmes et en leur Etat.

Ceci implique une reprise en main par nous- mêmes, de notre destin commun, parce qu’il n’y a de solution durable que malienne. Aussi le gouvernement et les forces politiques et sociales doivent avoir la lucidité de poser les jalons d’une véritable sortie de crise structurelle de notre pays.

Ensemble, ils doivent :

  • établir un diagnostic partagé de la gravité de la situation, des enjeux, défis et périls, et de nos vulnérabilités structurelles ;
  • définir les termes d’un processus malien solide et durable de sortie de crise et dont la pierre angulaire est le dialogue national refondateur ;
  • arrêter un pacte de stabilité pour la sécurité et le développement
  • tenir un dialogue national refondateur, devant arrêter les orientations majeures dont les Maliens conviendront quant à l’avenir du pays, l’infrastructure institutionnelle de notre Etat, nos  réponses aux exigences de l’intérêt général et aux frustrations dont souffrent les populations au quotidien ;
  • décider du report des élections législatives pour une durée en cohérence avec la conduite des réformes institutionnelles et structurelles dont le pays a besoin.

Le Dialogue national n’est pas une conférence nationale souveraine, c’est de l’hygiène démocratique

Les grandes réformes politiques, institutionnelles et sociales, infrastructurelles et d’aménagement de notre territoire tout comme les défis démographiques et écologiques doivent faire l’objet d’une large concertation de l’ensemble des citoyens maliens, résidant au pays et de la diaspora, en vue de construire une vision commune du Mali de nos espoirs et de nos rêves. Tel est le sens du Dialogue national refondateur : permettre à notre peuple de se réunir pour parler, de la base au sommet, afin de revisiter nos institutions et nos pratiques démocratiques et apporter des réponses endogènes aux maux dont souffre le pays.

Nous devons avoir la claire conscience que les replâtrages et les faux-fuyants auront vite atteint leurs limites objectives, sans avoir rien apporté à la résolution des problèmes du pays. En revanche, le processus qui conduira le Mali à une véritable sortie de crise structurelle, durable et refondatrice ne pourra faire l’économie d’une prise en compte déterminée et d’un traitement de fond de l’ensemble des causalités ayant engendré et alimenté la grave crise que connaît le pays depuis quelques années.

Nous en avions compris la nécessité dès 2013, et c’est bien pour cela que nous n’avons cessé de dire au gouvernement, aux acteurs politiques et à l’opinion nationale, l’urgence à engager un vrai processus inclusif de refondation de l’Etat au regard des insuffisances de nos institutions, des menaces qui pèsent sur l’unité nationale et l’intégrité territoriale du pays, ainsi que des problèmes de développement économique et social.

Tant que les citoyens sont partie prenante des constructions institutionnelles endogènes dans lesquelles ils se reconnaissent, ils auront le sentiment qu’ils appartiennent véritablement à un ensemble, une nation, parce qu’ils sont considérés et acteurs, parce qu’ils sont protégés où qu’ils soient, parce qu’ils peuvent compter sur un Etat solidaire, efficace et juste.

Le temps des réformes indispensables

Il est temps d’envisager ensemble, dans la sérénité et dans le respect des principes républicains, une nouvelle légitimation de l’Etat qui s’inscrirait dans le cadre d’une vision partagée du Mali de demain.

Sortons des crispations politiques qui n’offrent aucune perspective de sortie de crise. Evitons tout autant les « ententes politiques à l’amiable » qui ne feront qu’aggraver la situation et rendre plus difficile la résolution de la crise.

Il est temps que nous nous donnions le temps de penser  le Mali, pour le refonder. Mettons donc à profit notre temps, notre énergie et nos intelligences pour prendre nos problèmes à-bras-le-corps, solidairement, sans complaisance et avec la détermination commune d’en venir à bout. 

Redonnons espoir à notre peuple par le recul de l’insécurité et la confortation des actions de relèvement grâce au pacte de stabilité pour la sécurité et le développement. Donnons un souffle politique à l’Accord pour la paix  à travers une véritable appropriation de celui-ci par les populations maliennes, afin d’y introduire vision, projet et légitimité, de sorte que l’Accord pour la Paix devienne porteur d’avenir pour le Mali entier.

Ne dilapidons pas ce moment crucial à tous égards pour notre pays dans des actions erratiques sans aucune vision ni volonté réformatrice. Sans projet, ni lisibilité de l’action politique, encore moins un agenda politique clair et consensuel de sortie de crise, c’est le chemin vers l’inconnu.

Que Dieu nous en garde et que Dieu bénisse le Mali !

Bamako, le 13 novembre 2018

Modibo Sidibé

Président du parti Fare/Anka wuli

pub

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre commentaires s'il vous plaît
Votre Nom s'il vous plaît