Pour ne pas être en reste par rapport aux gouvernements de la sous-région, le nôtre ne cesse de faire des réunions et des annonces face au coronavirus.
Nous sommes désormais rentrés en terres inconnues. Chaque jour, au-delà du nombre de morts, nous apprenons un peu plus sur les conséquences sociales et économiques de la pandémie. Pouvons-nous vraiment compter sur ce gouvernement pour gérer cette crise et préparer la reprise de l’activité une fois la crise passée ? La réponse est toute trouvée.
On a beau crier que les populations doivent changer de comportements, mais la population n’a pas de compétence en matière sanitaire. Elle ne peut apporter ni lits ni machines respiratoires aux hôpitaux. Et avec un système éducatif relégué au plus bas des priorités, on se rend vite compte que même les gestes simples de lavage de mains et distanciations sociales sont compliqués. Nous sommes sous équipés pour faire face à n’importe quelle crise.
Des mesures dangereuses
La décision des fermetures des frontières excepté les marchandises est contreproductive. Le Mali n’est ni la Côte-d’Ivoire ni le Sénégal. Et cette mesure n’est pas sans conséquences.
Au-delà du volet sanitaire, Le Covid-19 est aussi une crise alimentaire. Le Mali importe de manière significative ses besoins en denrées de première nécessité, notamment le blé, le riz et le sucre. En contrepartie, nous exportons de façon significative les matières premières comme le coton. Nous sommes donc dépendants du commerce mondial pour notre sécurité alimentaire. La flambée des prix, visible bien avant les mesures restrictives, laisse présager une hausse généralisée des produits de première nécessité. Il faudra désormais débourser plus d’argent pour le même produit alors que le pouvoir d’achat baisse dans tous les secteurs de notre économie. Les faillites des entreprises et les chômages techniques qui s’en suivent n’en sont que la partie visible de l’iceberg.
Restreindre des libertés incite les personnes à emprunter des voies non couvertes par l’administration et il faudra désormais s’attendre à une montée exponentielle des trafics de tout genre. Elle met aussi en péril le commerce informel transfrontalier de produits agricoles tant essentiel pour la survie des populations. Ce commerce représente une marge de flexibilité en matière de sécurité alimentaire pour les habitants des zones frontalières car permettant aux habitants de Zégoua de traverser la frontière ivoirienne le temps d’acheter des bananes, riz etc., pour subvenir aux besoins quotidiens en produits alimentaires essentiels.
Nous découvrirons bientôt la facture de la crise de Covid-19 et elle sera colossale. Il faudra s’attendre à une augmentation significative du taux de chômage, de pauvreté et de criminalité. Le copier-coller de ce qui est fait ailleurs apparait comme une stratégie dangereuse avec des conséquences sociales inimaginables. Si le spectacle continue, et tout porte à le croire, les émeutes de la vie chère, et donc de la faim ne sont plus loin.
Il est urgent que les politiques macroéconomiques habituelles de soutien aux entreprises et aux ménages soient prises dès maintenant pour qu’elles soient utiles. L’Etat peut et doit exonérer les charges patronales, reporter sans pénalité les échéances fiscales, baisser l’impôt sur le revenu, exonérer les droits de douanes sur les produits alimentaires de base, prendre en charge le coût d’eau et d’électricité de tous les ménages. C’est à ce prix que le chômage, la pauvreté et la criminalité grandissante seront sous contrôle.
Soya Djigué
(économiste Bamako)