La suite des témoignages des victimes qui ont perdu leurs familles à travers les crimes de disparitions forcées.

Ould Mohamed Issa est un éleveur de 54 ans à Tombouctou. Il perd quatre frères en 2013, enlevés par l’armée malienne. « Tous vendeurs de sel, ont été enlevés à leurs domiciles à Abaradjou », disait-il. 

Il ajoutait que ce même jour, plusieurs autres personnes de teint clair ont été enlevées chez elles. Après leur disparition, leurs femmes et enfants se sont réfugiés en Mauritanie et personne ne sait jusqu’à présent ce qui leur est arrivé. Selon Ould Issa, sa participation à l’audience pourrait l’aider à savoir si ses frères vivent encore ou pas. La victime s’indigne contre l’amalgame pendant les conflits armés.

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Traoré Fatoumata est une jeune veuve de 20 ans qui vient de Niafounké. Elle a perdu son mari en 2015, victime du MNLA. Selon elle, elle était souffrante quand son mari et 5 autres personnes ont été enlevés par les éléments du MNLA. 

« Ils partaient chercher une nouvelle mariée à Echell pour l’amener à Niafunké. C’est en cours de chemin qu’ils ont rencontré ces rebelles Touaregs de peau claire et jusqu’à présent ils n’ont toujours pas eu leurs nouvelles’’, a-t-elle affirmé.

Elle précise aussi que la zone était sous contrôle du MNLA. Les femmes des cinq autres disparus se sont remariées, mais la victime Fatoumata Traoré refuse de se remarier, car elle espère revoir son mari. Elle a accouché d’une fille trois jours après l’enlèvement de son mari et cette dernière a 6 ans aujourd’hui. Elle est ménagère dans un hôpital afin de subvenir à ses besoins.

Père de famille, âgé de 30 ans, Ould Boubacar Sadeck Mohamed est un éleveur à Tombouctou. Pendant les évènements de Tombouctou dans les années 1990, la population arabo-touareg de peau claire fuyait la ville par peur de représailles. C’est dans cette mouvance que son frère a été enlevé par l’armée malienne à Hashamadi en 1994. Depuis ce jour, ils n’ont plus eu de ses nouvelles. Il a laissé derrière lui une femme. Toute la famille vit toujours dans l’angoisse et l’incertitude. Ils ignorent ce qui est arrivé à leur frère.

Agée de 52 ans, Barry Waby est une habitante de Bagnagathiè à Niafounké. « Un vendredi en 2020 vers 6 heures du matin, quatre militaires de l’armée malienne ont fait irruption dans notre maison pour enlever de force trois de mes fils qui sont Bocar Diallo, Amadou Diallo et Kisso Barry », racontait-elle.

Elle et sa famille ont demandé à connaître les motifs de leur arrestation, mais les militaires ont refusé de leur donner une réponse. « Ils ont été menottés et jetés dans les véhicules pour une destination inconnue sous les yeux impuissants des enfants, des femmes et des sœurs qui criaient pour alerter le voisinage. Après avoir effectué des recherches sans succès, ma famille est toujours sans aucunes nouvelles d’eux. Ce qui nous a vexées le plus, c’est que nous n’avons reçu le soutien d’aucun voisin après plusieurs années de cohabitation. C’est pourquoi nous avons quitté Gouma Koura pour aller nous installer à Bagnagathiè ».

Un bijoutier à Kona, Macinanké Ousmane âgé de 41 ans, raconte qu’il a perdu son père suite à un enlèvement de l’armée malienne en 2013. C’était suite à la reconquête de la ville de Kona dans la région de Mopti. La famille a été à sa recherche jusqu’à Sévaré sans succès. Son père qui était chef des bijoutiers de Kona, âgé de 62 ans à l’époque, a laissé derrière lui trois femmes et 23 enfants. Jusqu’à nos jours, ils ne savent pas ce qui lui est arrivé. La famille Macinanké a été stigmatisée à cause de cette arrestation arbitraire ayant occasionné la disparition du père. 

Deux neveux de Ag Sweillane Donta, tous domiciliés à Markala dans la région de Ségou avaient décidé de rendre visite aux parents pendant les congés. Ils quittèrent donc Markala pour Ségou où ils empruntent le même bus pour Gao. A chaque escale, ils appelaient les parents pour donner leurs positions et cela jusqu’à l’entrée de la ville de Sévaré où ils n’ont plus donné aucun signe de vie. Après plusieurs tentatives téléphoniques qui sont restées vaines, la famille décida d’entreprendre des démarches auprès de toutes les autorités administratives et civiles afin de les retrouver. C’est plus tard que la famille a été informée par des bonnes volontés que les deux neveux ont été soustraits du bus par des FAmA vers une destination inconnue. De 2012 jusqu’à nos jours, la famille n’a aucune nouvelle sur leurs sorts.

Le frère d’Ould Lyenne Mohamed a été enlevé par quatre personnes sur deux motos appartenant aux groupes armés islamistes à Tamakoutate dans la région de Gao en 2018. Il apprendra la nouvelle lorsqu’il était se trouvait à Djema dans la région de Kayes. Il mena avec sa famille des recherches. Son frère perdu était un commerçant et avait une femme et sept enfants qui sont à leur charge maintenant. Depuis 2018 jusqu’à nos jours, la famille demeure dans l’incertitude et le désespoir. 

En 1991, le cousin à Ag Bogeïdata Mossa abreuvait son troupeau au deuxième puits de Tin Essako lorsqu’il a été enlevé par l’armée malienne en 1991. Après son arrestation, il a été amené au camp militaire de Tin Essako où il a rejoint d’autres détenus. Au total, 13 personnes étaient détenues dans ce camp. La victime s’est rendue à Kidal ville pour solliciter l’intervention de l’Amenokal de l’époque Intalla Ag Attaher et de son fils Mohamed Ag Intalla, actuel Amenokal de Kidal. Leur intervention auprès des responsables militaires de la région a permis d’obtenir la libération de huit personnes. Les cinq autres personnes dont son cousin n’ont pas été libérées ni retrouvées jusqu’à nos jours. 

Le 3e Adjoint du maire de Kouakrou à Djenné, Nientao Sidi, a relaté des évènements sombres découlant de l’occupation de son village par les groupes islamistes en 2018. Selon lui, les conséquences sont énormes dont l’exode des jeunes, avortement forcé de plusieurs femmes enceintes, fermeture des écoles, inaccessibilité des champs de culture et bien d’autres.

Plus de trois personnes sont toujours portées disparues jusqu’à nos jours. Elles ont laissé derrière cinq femmes et neuf enfants dans l’angoisse et l’incertitude. 

‘’Les familles ne savent pas s’il faut observer le deuil ou s’il faut continuer à attendre. Depuis 2018, les villageois ne cultivent plus, n’élèvent plus d’animaux et ne font plus de commerce car ils n’ont toujours pas accès à leur marché. Cette situation difficile a provoqué l’exode de plusieurs jeunes du village, l’avortement forcé de plusieurs femmes enceintes et la fermeture des 17 écoles de la commune de Kouakrou depuis 2018’’, disait-il.

Fatoumata Kané

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