Depuis l’enregistrement du premier cas, la Covid-19 n’a cessé de bouleverser le monde entier et aucun secteur n’a été épargné. Cette pandémie a mis les business au ralenti et a occasionné d’énormes pertes chez les administrateurs et les entrepreneurs. Certains ont mis les clés sous le paillasson et ceux qui ont pu tenir, ont été obligés de libérer ou réduire leur effectif. Pour d’aucuns, c’est une façon de protéger le personnel en fournissant le strict minimum de service. Cela s’est senti car le taux de chômage a brusquement grimpé au Mali. Quelles conséquences sur les familles, sur les enfants ?
Seydou Sy, réceptionniste depuis 2010 à l’hôtel Radisson explique qu’au « début de la Covid-19, l’Etat dans son communiqué a donné des restrictions très claires dont la fermeture des lieux de rassemblements, le confinement, etc. ». A la suite duquel le promoteur de l’hôtel Radisson Blu, Komé Cessé, a été obligé de prendre des décisions drastiques en mettant en chômage technique d’une durée de 3 mois 105 personnes sans salaire. En mars, les activités touristiques et autres sommets et séminaires n’ayant toujours pas repris, il a donc été contraint de libérer le personnel après des réunions avec les différents départements afin de pouvoir garder que le personnel indispensable au fonctionnement de l’hôtel.
Selon notre interlocuteur, sur les 105 personnes mises au chômage technique, 95 ont été licenciés « pour garder les autres pour la rénovation des lieux ». Mais malgré ces licenciements, Komé faisait l’effort sur fonds propre en apportant son aide aux personnes libérées soit en leur donnant des vivres. La situation était compliquée, les licenciés, tous chefs de familles, avec en charge des enfants à nourrir, des cas de maladies, qui se sont trouvés sans emploi du jour au lendemain.
« Personnellement, je comptais sur l’ancienneté, la retraite ou encore l’appartenance à la maison », a-t-il dit.
Le code du travail recense l’ensemble des textes législatifs et réglementaires applicables en matière de droit du travail. Il a permis une amélioration des conditions de vie et de travail des salariés dans les entreprises.
Il régit les relations entre employeurs et salariés. Ce code pose les règles relatives au contrat de travail, aux relations collectives au travail. Il fixe les droits et obligations des salariés et des employeurs. Il détermine les règles relatives à la sécurité et l’hygiène, à l’emploi et à la formation professionnelle. Le code du travail protège aussi bien les employeurs que les salariés en leur accordant des droits et en les soumettant à des obligations.
Malgré les avantages que propose ou présente le code du travail en faveur des employés, la pandémie à Coronavirus a bouleversé la planète entière. En ce qui concerne le secteur informel, les commerçants ont eu également leur dose.
Le secteur informel le plus touché
« Je faisais du commerce de fripes et depuis l’avènement de la pandémie de Covid-19 mon commerce ne marche plus. Je venais de prendre des balles de fripes d’une valeur de 700 000 F CFA quand on a annoncé que le Mali venait d’enregistrer son premier cas. Malheureusement pour moi, avec la mauvaise communication on a intégré dans l’esprit des gens que le Coronavirus peut être chopé dans les habits ou articles venus de l’extérieur. Du coup, je n’ai rien vendu pratiquement depuis un an. J’arrive à joindre difficilement les deux bouts. J’ai des enfants et je n’arrive pas à assurer les dépenses les plus insignifiantes de mes enfants, c’est vraiment compliqué et pour eux et pour moi », raconte Djénéba Koïta, mère de famille.
Pour sa part, Hama Kassamara, gérant de la boite de nuit Doux Club à l’Hippodrome, explique ce qui lui est arrivé au début de la pandémie au Mali.
« Les conséquences de la Covid-19 sont tellement nombreuses que l’on ne peut pas tout citer. C’est avec mes revenus de la boite de nuit que je nourris ma famille, soigne mes enfants et ma femme s’ils tombent malades, assure leur éducation. Avec la fermeture de nos locaux due à la Covid-19, c’est vraiment compliqué de rester à la maison à ne rien faire. C’est pire pour les femmes et pour les enfants. C’est une situation assez difficile à vivre, imaginez un chef de famille qui ne peut pas subvenir aux besoins de sa famille car sans revenu c’est impossible de joindre les deux bouts. On vit le jour le jour, certaines personnes avec qui je travaille, se sont retrouvés dehors parce qu’ils n’arrivaient plus à payer le loyer, d’autres ont eu de sérieux problèmes à force de s’endetter. Surtout nous qui évoluons dans le monde de l’hôtellerie. A quelques jours du début du mois du ramadan, l’Etat a pris de nouvelles restrictions en exigeant une fois de plus la fermeture des bars et boites de nuit. Nous nous sommes conformés à ces décisions qui, quelque part, nous promet des mesures d’accompagnement pour nous appuyer. On nous a demandé de monter des dossiers individuels pour cela, nous l’avons fait. Dans un premier temps, nous avons constaté qu’ils ont respecté leur parole au niveau des factures qui étaient de 0 F CFA. Et même là, certains dossiers ont été rejetés et cela fait près d’un an et nous n’avons rien reçu jusqu’à présent »,détaille M. Kassamara.
Aucun secteur d’activités n’a été épargné par la Covid-19. Les organisations non gouvernementales, tout comme les structures internationales ont été impactées. Moussa Sissoko était chargé de formation au programme Usaid/EDC/Pacen. Il était en fin de programme mais avec une rallonge qui s’annonçait très bien avant la phase 2 du projet. Avec l’avènement de la Covid- 19, le projet a définitivement fermé.
« Franchement, je ne suis dans aucune activité depuis la fermeture du programme. Quelques très rares fois, j’ai des consultations pour d’autres projets qui n’ont pas été totalement atteints. Quand on ne travaille pas, il n’y a pas de revenu. La famille est gérée au jour le jour et au minima. Quand vous avez l’habitude de dépenser plus de 10000 F par jour pour la famille et que vous vous trouvez à dépenser difficilement 3000 F CFA par jour. Voyez vous-même ce que ça fait pour un chef de famille. Mais on reste humble et serein», regrette M. Sissoko.
Kany Coulibaly, quant à elle, assurait le service de restauration pour une entreprise et à cause de Corona, elle n’a plus d’activité. La structure pour laquelle elle faisait la cuisine a dû basculer dans le télétravail. Ses activités se sont stoppées, donc plus de revenus.
« C’est difficile pour moi en ces temps-ci. Mon mari est malade. J’ai 4 enfants qui doivent aller à l’école, que je dois soigner s’ils tombent malades », précise Mme Coulibaly, en larmes.
Si c’est difficile pour les parents, naturellement cela se répercute sur les enfants. Pour ces enfants qui ont tenu à garder l’anonymat, ils affirment souffrir depuis bientôt un an. « Avant, on mangeait bien et équilibré, depuis quelques mois, l’on se contente de ce qu’on nous donne », affirment-ils.
L’un d’entre eux raconte un fait qui l’a marqué. « Depuis que je suis à l’école, je n’avais jamais été renvoyé de la classe mais avec papa qui a perdu son emploi, on m’a mis dehors l’autre jour. Cela m’a blessé mais c’est surtout mon papa qui m’a fait de la peine car il m’a dit qu’il se sentait inutile ».
Pour un autre, dont les parents se sont retrouvés en chômage, c’est les disputent incessantes entre ses parents qui l’angoisse. « Avant ils se comprenaient et la complicité était bien visible entre eux », se souvient-il.
Aminata Agaly Yattara
« Cet article est publié avec le soutien de JDH-Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada »