Le Mali a commencé sa campagne de vaccination avec les premières doses du vaccin Astra Zeneca, le 31 mars, bien que le vaccin soit au cœur de nombreuses controverses dans le monde. Le coordinateur national de la lutte contre le coronavirus, Pr. Akory Ag Iknane, fait le point de la première semaine de vaccination. Il parle aussi des facteurs qui expliquent l’augmentation du nombre de cas de contamination à Coronavirus ces dernières semaines au Mali.

Mali-Tribune : Qu’est-ce qui explique la recrudescence du nombre de cas de contamination ces dernières semaines ?

Pr. Akory Ag Iknane : Effectivement, nous sommes dans la troisième vague de cette épidémie. Si on fait une comparaison, la première vague a duré 32 semaines. Il y a eu une phase ascendante qui a duré douze semaines pour atteindre un pic le 15 juin de 71 cas. On a reçu une phase descendante de huit semaines et une phase en plateau qui a duré douze semaines.

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Là où on avait l’impression qu’on était vers la fin de l’épidémie, subitement on a eu une deuxième vague. Elle a évolué progressivement jusqu’à avoir un pic à 155 cas en décembre. Après, le taux a commencé à baisser progressivement durant neuf semaines. Le taux a baissé trois semaines seulement et puis nous avons une troisième vague qui refait surface. Nous sommes déjà à la quatrième semaine, nous avons eu jusqu’à 150 cas par jour.

Trois hypothèses pourraient expliquer cette recrudescence du nombre des cas.

La première explication pourrait être le relâchement des mesures barrières par la population. Toutes les manifestations culturelles et sportives ont repris comme si on n’était pas dans une épidémie.

Comme deuxième facteur, il serait possible que nous ayons des variants Sud-africains ou Britanniques, des variantes extrêmement contagieuses. Parce que nous avons des miniers qui viennent d’Afrique du Sud et qui vont directement dans les mines. Il est fort probable que nous ayons déjà ce virus sur le sol Malien.

Mali-Tribune : Est-ce que des cas des variants Sud-Africains ou Britanniques ont été confirmés à ce jour ?

Pr. A. A. I. : Nous avons technologiquement la possibilité de séquencer le virus et voir quelle est la variante qui circule chez nous. Aujourd’hui, l’équipement est là, mais n’a pas fait objet d’entretien. Pour la maintenance, c’est des structures spécialisées avec leurs appareils, on n’a pas la compétence pour le faire. C’est cette maintenance que nous attendons des réactifs pour le faire.

Nous avons fait la demande, mais jusqu’à présent nous n’avons pas ces réactifs. Le jour où on aura ces appareils, on pourra vous dire à partir de quand cette variante a fait irruption chez nous parce qu’à chaque étape, nous gardons des échantillons. Pour le moment, ce sont des hypothèses parce qu’on n’a pas fait une étude pour confirmer tout ceci.

Le troisième facteur de cette progression du nombre de cas de contamination au coronavirus pourrait être les gens asymptomatiques et aussi symptomatiques, qui sont hospitalisés à domicile. Il est fort probable qu’ils ne respectent pas les mesures de confinement à domicile. Certains pourraient aller se promener en ville parce qu’ils ne présentent pas de symptômes, mais ils sont positifs et peuvent transmettre.

Pour le moment, on n’a pas encore atteint le pic de la deuxième vague, mais le nombre de cas augmente de jour en jour. On ne sait pas quand on va atteindre le pic.

Mali-Tribune : En attendant la baisse de la courbe, une autre question reste sans réponse. Pourquoi la vaccination tarde-t-elle jusqu’à présent ?

Pr. A. A. I.: C’est vrai que nous avons reçu les vaccins le 5 mars, c’est jusqu’au 31 mars que nous avons pu vacciner. La vaccination a commencé depuis le 31 mars avec les professionnels de santé. Après on va faire face aux personnes âgées de plus de 60 ans et les personnes qui présentent d’autres pathologies associées.

Nous attendons qu’elle soit complète. Déjà au deuxième jour de la campagne, on a vacciné 387 personnes. Pour le moment, nous n’avons pas observé des réactions majeures liées à cette vaccination. La vaccination est efficace parce qu’on a vu que les mesures de prévention n’ont pas porté de fruit. Il faut donc cette vaccination pour pouvoir casser la chaine de contaminer.

Mali-Tribune : Beaucoup craignent que les 360 000 doses reçues ne soient insuffisantes pour casser cette chaine de contamination

Pr. A. A. I. : Les 360 000 doses de vaccins sont le premier lot d’une commande qui est arrivée. Le Mali a commandé plus de 800 millions de doses. Les premières personnes vaccinées doivent recevoir leur deuxième injection un mois après. D’autres quantités vont arriver. Il est attendu, selon les informations, pour ce mois d’avril l’arrivée du deuxième stock avant que le premier stock ne finisse.

Nous espérons qu’il n’y aura pas de rupture dans la chaine d’approvisionnement pour pouvoir vacciner une partie importante de la population en particulier dans les zones qui sont l’épicentre de la pandémie comme Bamako, Kayes, Koulikoro etc.

Mali-Tribune : Pourquoi le choix du Mali a porté sur un vaccin aujourd’hui controversée par beaucoup de pays ?

Pr. A. A. I.: Je rappelle que le vaccin Astra Zeneca est le plus utilisé au monde. Il est utilisé par près de 70 pays. D’abord, c’est un vaccin efficace. Il répond aux conditions climatiques de nos pays et peut être conservé entre 2 et 8 degrés. Astra Zeneca n’est pas le seul vaccin qui se conserve à cette température, mais son efficacité est à près de 90 %. L’efficacité du vaccin est proche de 100 % chez les personnes de plus 55 ans.

L’une des caractéristiques de ce vaccin, c’est qu’il est très efficace contre les formes compliquées et graves. Ça veut dire que si vous faites cette vaccination, le risque de faire des formes graves est pratiquement nul. Ça empêche la mortalité.

Mali-Tribune : Pourtant le vaccin a présenté des effets secondaires chez certains patients dans certains pays ?

Pr. A. A. I. : A un moment donné effectivement, il a eu des effets secondaires qui, jusqu’aujourd’hui, ne sont pas attribuables au vaccin.

Quand on fait une vaccination de ce genre, même vous avez des maux de tête qui sont liés à autre chose, on va le rapporter au vaccin sans faire scientifiquement le lien. Sur les plus de 30 millions de personnes vaccinées à travers le monde, il y a eu quelques cas de coagulation intra vasculaire… Je ne pense pas que ça soit des éléments qui puissent empêcher le vaccin chez nous. La Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal se font vacciner depuis un bon moment. Jusqu’à présent, on n’a pas attendu d’effets secondaires dans ces pays.

Le Mali fait partie de 70 ou 90 pays qui ont reçu le vaccin après et qu’ils vont commencer à vacciner. Il faut que les gens viennent se faire vacciner.

Mali Tribune : Pourquoi les grandes décisions se prennent au niveau de Koulouba dans cette lutte ?

Pr. A. A. I. : Je suis technicien et coordinateur national de la riposte. Le rôle de l’Institut est la surveillance épidémiologique et la veille sanitaire. Il y a effectivement des décisions techniques, mais il y a aussi des décisions politiques. S’il faut confiner, par exemple, les techniciens disent quels sont les avantages, mais la décision est politique parce qu’un confinement va impacter l’économie sur tous les plans. Il faudrait qu’à un moment, la décision reste aussi politique parce que s’il y a des problèmes, c’est lui qui fait face.

Mali-Tribune : Un autre confinement est-elle la solution pour casser l’augmentation du nombre de cas ?

Pr. A. A. I. : Je ne suis pas la personne habilitée à prendre cette question. Nous sommes des scientifiques, nous disons ce qu’il faut. Nous tenons compte aussi du contexte. Dans notre pays, la plupart des gens vit de l’économie informelle, quand vous confinez, il faudrait pouvoir faire face à cela. Est-ce que nous avons les moyens de le faire. C’est une décision à un autre niveau.  Mais ce qui est sûr, pour moi, il ne faut pas prendre une décision, même si elle est très efficace en termes de portée si elle ne peut pas être correctement respectée. Il vaut mieux trouver d’autres moyens.

Mali-Tribune : Lesquels ?

Pour moi, aujourd’hui, il est important de distribuer le maximum de masques et de gels.  Si chaque Malien portait un masque et diminuait les regroupements, on va rompre la chaine de transmission. Ce sont des mesures simples qui relèvent chacun de nous.

Mali tribune : A quand la vaccination massive ?

Pr. A. A. I. : Ça dépend de l’arrivée des vaccins. Les doses que nous avons reçues c’est de l’initiative Covax. Ce sont des vaccins qui sont donnés à la plupart des pays gratuitement. Le Mali va acheter d’autres. Il faut reconnaitre que la demande au niveau mondial est importante. Au fur et à mesure qu’on recevra les vaccins, on va poursuivre la vaccination. Elle est le moyen le plus efficace pour rompre la chaine de contamination. Ceux qui sont vaccinés ne vont plus contaminer.  Nous appelons la population à se faire vacciner.

Propos recueillis par

Kadiatou Mouyi Doumbia

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