Chargé du suivi et de l’observation de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger, le Centre Carter a rendu public son rapport qui est loin d’être satisfaisant. Nous vous proposons un pan dudit rapport. Fin 2018, les parties maliennes ont achevé la quasi-totalité des préliminaires de mise en œuvre sans toutefois réaliser une percée décisive, montrant une détermination à aboutir et ce, en dépit de l’appui important de la communauté internationale.

Elles ont marché avec lenteur, réticences et calculs, mais elles ont progressé.

Parmi les avancées les plus importantes : l’absence de combats et le renforcement de la confiance mutuelle et de la collaboration qui ont pu, par exemple, favoriser la tenue des élections présidentielles paisibles. En 2018, les Mouvements ont enfin accepté de faire enregistrer leurs combattants, permettant à la Commission nationale de Désarmement, démobilisation et réinsertion (CN-DDR) de recenser environ 32 908 personnes potentiellement éligibles pour le processus de DDR. Les bataillons du MOC sont actuellement installés à Gao, Kidal et Tombouctou et leurs personnels attendent d’être intégrés dans les forces armées nationales à la faveur d’un « DDR accéléré» lancé en novembre. Tant la Stratégie nationale de la réforme du secteur de la sécurité que la Stratégie spécifique de développement des régions du nord ont été adoptées, et les régions de Ménaka et Taoudéni ont été créées comme collectivités territoriales. On peut également citer comme avancée la désignation du ministère de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale comme chargé pour mener à bien l’action gouvernementale de mise en œuvre de l’Accord, en vue de rendre plus efficace le leadership du Gouvernement, ou le louable rapprochement entre les Forces armées maliennes (FAMa) et les branches armées des Mouvements.

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Tous ces pas ne doivent cependant pas faire oublier les grands défis restants. Le MOC est encore loin de conduire des patrouilles mixtes pour assurer la sécurité des populations. La liste des combattants éligibles terminée, le processus est encore long pour mener à bien le cantonnement, le

désarmement, l’intégration ou la réinsertion (c’est-à-dire le DDR général), ce qui doivent conduire à la véritable absorption des combattants des Mouvements aux forces nationales et la formation d’une architecture malienne de sécurité unique et unifiée. Les Autorités intérimaires sont par définition des institutions temporaires vouées à disparaitre à la faveur des organes élus au suffrage universel, tel que les Assemblées régionales. La Stratégie spécifique de développement des régions du nord ne constitue qu’un socle technique pour une Zone de développement attendue. Il reste aussi que les régions de Taoudéni et de Ménaka deviennent réellement opérationnelles.

Ces avancées, ainsi qualitativement évaluées par rapport aux objectifs essentiels de l’Accord, doivent être en outre mis en contraste avec des progrès globalement modestes. Parmi les 78 engagements spécifiques dans l’Accord suivis par l’Observateur indépendant, 20 engagements sont achevés trois ans et demi après la signature de l’Accord (graphique 3). Près de 60% des engagements sont à une phase de mi-parcours mais pas achevés, soit: 14 engagements presque achevés, 18 au stade intermédiaire et 14 au stade minimal. Douze engagements n’ont pas été initiés et constituent l’essentiel de grands défis évoqués plus haut. Les graphiques 1 et 2 présentent l’état général des engagements par les Parties de l’Accord.

Il ressort de ces graphiques qu’aucun des quatre piliers centraux de l’Accord (Titres II à V) n’est achevé à plus de 50%. En effet, des 20 engagements achevés, deux ont été complétés en 2018, à savoir l’opérationnalisation de la Commission d’enquête internationale (Article 46) et de l’Observateur indépendant (Articles 63 et 64). Ces derniers ne peuvent pas être considérés comme des objectifs fondamentaux de l’Accord. La modestie du rythme des réalisations concrètes sur le terrain au courant de 2018 a maintenu et même accentué un sentiment de frustration pour la population et la communauté internationale.

A. Evaluation de la mise en œuvre des piliers de l’Accord

Concernant le volet politico-institutionnel au Titre II de l’Accord, 6,25% des engagements sont achevés. Cinquante pourcent sont à un stade incomplet alors que 44% ne sont pas encore initiés. Dans leur majorité, ces derniers sont généralement conditionnés par la réforme constitutionnelle ou l’adoption définitive des textes nécessaires à la décentralisation, notamment la création des organes, telles que les Assemblées régionales. Les résultats modestes dans le domaine politique – c’est-à-dire la quasi-absence de manifestations d’une décentralisation effective en cours – pèse sur la mise en œuvre globale, d’autant plus que des progrès dans ce volet sont souvent nécessaires pour déclencher des avancées dans d’autres domaines.

S’agissant du Titre III de l’Accord, concernant les questions de défense et de sécurité, le niveau de réalisation des engagements s’est nettement accéléré grâce notamment à l’amélioration du climat de confiance entre les structures militaires et leur entente sur plusieurs dossiers importants. Ainsi, 24%  des engagements sont achevés, 64% sont initiés mais incomplets et 12% n’ont pas encore été initiés. Ces progrès n’ont pourtant pas amélioré le climat sécuritaire général, et parfois la concrétisation des avancées a été ralentie par la lenteur dans la prise de textes officiels nécessaires à leur accomplissement. Ainsi, le MOC, par exemple, n’est pas pleinement opérationnel et le « DDR-Intégration accélérée » pour les environ 1 800 membres du MOC à Kidal, Gao et Tombouctou, lancé début novembre, n’a pas encore atteint le stade d’intégration, ce qui est inquiétant pour le processus général du DDR. Au cours de plusieurs missions sur le terrain à Kidal, Gao, Tombouctou et Mopti, la population locale a signalé une dégradation de la sécurité.

Comparativement aux Titres II et III, la mise en œuvre des engagements pris pour le développement socio-économique couvert au Titre IV de l’Accord, et la justice, la réconciliation et les questions humanitaires au Titre V, est la plus négligée, ce en dépit du fait que nos graphiques indiquent que les engagements pris ont été respectivement achevés a 30% et 33%. Ces pourcentages relativement élevés correspondent en réalité à des actions préliminaires telles que la Mission d’identification des besoins des régions du nord en ce qui concerne le Titre IV, ou la signature des conventions relatives au retour des refugiés s’agissant du Titre V. Autre exemple : des 21 engagements de la « Feuille de route » de mars, deux seulement concernaient ces deux volets en 2018.

B. Evaluation de la mise en œuvre de la « Feuille de route » du 22 mars

Le taux d’application global s’applique également au cas particulier de la mise en œuvre du « Chronogramme d’action prioritaires » de janvier 2018, qui a été ensuite converti en « Feuille de route ». Au total, la réalisation de 16 des 21 engagements de la « Feuille de route » était prévue pour 2018.

7 Evaluant à la fin de 2018 le document de « Taches induites par la Feuille de route » élaboré par les Parties maliennes, la situation d’exécution se présente de manière suivante : quatre engagements achevés ; trois engagements presqu’achevés ; quatre au stade intermédiaire ; et cinq au stade minimal. Deux n’ont pas été initiés. Il ressort de cette analyse que le programme limité établi par la « Feuille de route » et souligné dans la Résolution 2423 du Conseil de sécurité, puis reflété dans l’esprit du « Pacte pour la paix », a produit généralement un bilan semblable à celui de la mise en œuvre globale. Le graphique 4 présente l’état des 16 engagements pour 2018 dans la « Feuille de route ».

Graphique 4 : Etat de mise en œuvre de la « Feuille de route » de mars 2018

C. Evaluation de la garantie et de l’accompagnement d’ordre international

Concernant le Titre VI, les accompagnateurs et les garants, à travers les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, les rapports du Secrétaire général et du Comité de sanctions établies par la Résolution 2374 (septembre 2017), et le « Pacte pour la Paix, » ainsi que les communiqués du Conseil de la paix et la sécurité de l’Union africaine, ont suivi de près la mise en œuvre.

8 L’application des sanctions par le Conseil de sécurité en décembre correspond en partie à l’engagement dans l’Article 54 de « prendre, le cas échéant, des mesures contre tous ceux qui entraveraient la mise en œuvre ». La conférence d’appel de fonds prévue par l’Accord a été rapidement convoquée à Paris en octobre 2015. Toutefois, concernant les interventions directes de la communauté internationale, faute d’une communication systématique sur les actions des partenaires financiers et techniques (PTF) ou sur le programme de stabilisation et de relèvement conduit par la Minusma, il persiste parmi de nombreux Maliens une perception selon laquelle la communauté internationale n’a pas pleinement rempli ses engagements, notamment financiers. Par ailleurs, le nombre important d’engagements classés comme non-achevés dans le graphique 3 souligne la recommandation précédente de l’Observateur indépendant d’un suivi plus approfondi et continu par le CSA.

Le titre et le chapeau sont de la rédaction

La Preuve du 4 mars 2019

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