Dans une précédente publication le 29 juin 2017 sur la guerre asymétrique imposée à notre pays et les moyens d’y mettre fin, l’Inspecteur général de police à la retraite, Yahaya Sangaré, avait écrit que l’application de la charia par les armes est d’autant anti-démocratique que s’opposer de façon systématique à son application. Selon lui, il est temps de penser à des solutions conformes à nos moyens et nos propres valeurs comme l’écoute mutuelle, le dialogue pour se comprendre entre nous Maliens. Cela est d’autant plus nécessaire pour lui, que nous ne pouvons pas continuer à compter nos morts, jour par jour ou compter sur le soutien de la France sur une politique dont il n’a pas les moyens encore moins sur une probable force africaine, même si cela est salutaire. Trois ans plus tard, la conviction de l’inspecteur général n’a pas varié sur le sujet.
« Permettez-moi d’avouer que j’aurais souhaité m’être trompé pour le bonheur du peuple malien, mais hélas ! La situation d’aujourd’hui est grave et n’est ignorée de personne. Dans un traumatisme collectif, nous sommes réduits à des accusations et déductions qui n’apportent aucune solution aux problèmes posés. Nous substituons aujourd’hui la conséquence à la cause, tout en nous éloignant d’une probable solution. Pour ce qui est du rapport France-Afrique, je ne me permettrais pas d’affirmer ce que je ne peux prouver ! Mais certains faits réels me permettent de me faire une idée et une opinion sur tout ce qui s’est passé.
Quand j’étais étudiant en France, j’ai vu sur le plateau de TF1, un chameau avec des commentaires sur des hommes bleus, et ce avec Danielle, épouse de François Mitterrand. Bien après, j’ai su qu’un corridor a été ouvert pour Iyad Ag Ghaly après l’attaque dite « djihadiste » de Konna. A l’issue de cette attaque, l’armée malienne fut interdite d’entrer à Kidal. La France relèvera son ambassadeur au Mali, le jugeant incapable de défendre les intérêts de la France pour avoir critiqué le mariage entre le MNLA et la France. Les équipements fournis au MNLA par la France ont été mis en sécurité en Mauritanie pendant cette période de Konna.
Si aucune réponse n’a été donnée aux décideurs maliens par rapport à toutes ces questions qu’ils étaient en droit de se poser, force est de constater la constance dans la politique française ! Des prélèvements sur les scènes de crime nous auraient permis de connaitre l’origine des munitions et la provenance des armes. La présence d’officiers maliens au sein des forces étrangères et au niveau du commandement opérationnel aurait évité certains doutes, si vraiment cela constituait un souci. Mais, malheureusement, nous n’analysons rien des scènes d’attaque, nous ne sommes présents à aucun niveau de commandement opérationnel… Pourquoi alors ?
Nos enfants meurent tous les jours et sont accusésparles djihadistes ! Au Mali, nous avons une chance énorme, celle de pouvoir échanger avec Amadou Kouffa et Iyad Ag Ghaly ! Nous ne devons pas attendre que les maîtres penseurs finissent par nous demander de négocier quand nous serons abandonnés à notre sort… Ces deux adeptes de la charia ont été pourtant très clairs avec le Mali : « Nous ne voulons pas la division du Mali, nous voulons l’application de la charia… » Amadou Kouffa a déclaré souhaiter le départ des forces étrangères afin qu’entre nous, nous puissions échanger.
Nos soldats et les forces étrangères les combattent. Vous comprendrez qu’il leur faut se défendre pour défendre leur objectif identifié, même si nous ne le comprenons pas exactement. Avec les forces étrangères, nos soldats sont tués par dizaines et la situation s’empire de plus en plus… Ce, au point que nous concluons qu’elles ne sont d’aucune protection, voire d’aucune utilité ! Alors, pourquoi attendre d’elles une solution qui, visiblement, ne sera jamais ? Certain est que quand la France fera échec dans sa politique, elle sauvera ses meubles et nous abandonnera à notre sort dans une plus dramatique situation !
Nos ancêtres ont toujours privilégié le dialogue, lequel permet d’éviter le constat d’une incapacité totale. C’est l’unique signe de la sagesse et de la grandeur d’un peuple à travers ses dirigeants. Il nous faut éviter de considérer les conséquences d’une opposition systématique à la charia telles les causes de la situation actuelle. Est-ce que dans ce combat, les acteurs ont les mêmes objectifs ? Sur quelle victoire pouvons-nous compter ?
Nous ne pouvons attendre davantage ! L’unique solution est la sincère négociation ou le vrai dialogue entre enfants du même pays, sans oublier que cela ne convient pas à tout le monde. Et quand la négociation permettra de faire taire les armes et qu’aucune attaque ne puisse être attribuée aux djihadistes, nos soldats ne pourront plus être tués à visage masqué !
Mieux, nous saurons si les attaques ou les présences sont pour le MNLA ou contre les djihadistes et l’intégrité du territoire malien ! Nous pourrons être certains que les séparatistes ne vaudront que si la situation reste trouble ! »
Propos recueillis par
Abdrahamane Dicko