« L’Afrique n’a pas besoin d’être un terrain de dumping pour les voitures d’occasion ou de seconde main. A long terme, tu finis par payer un prix plus élevé de toute façon. Si vous pouvez payer un prix élevé pour la seconde main, pourquoi ne pas payer un prix élevé pour quelque chose de nouveau ? C’est un choix simple. Africains, Rwandais, nous méritons mieux. C’est une façon de montrer comment on peut se le permettre. Pour ces raisons et d’autres, ce partenariat prometteur avec Volkswagen est en bonne voie ».
C’est la conviction martelée le 27 juin 2018 par le président rwandais, Paul Kagamé, lors du lancement de Volkswagen Mobility Solution à Kigali. En la circonstance, le chef de l’Etat du Rwanda affichait la même fermeté ressentie dans sa décision d’interdiction des importations de vêtements de seconde main (friperie) en provenance des USA, malgré les nombreuses pressions.
« Le Rwanda et d’autres pays de la région bénéficiaires de l’Agoa (Loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique) doivent s’atteler à d’autres activités, nous devons créer nos industries et en assurer la croissance », avait ajouté le président Kagamé.
Le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda et d’autres pays d’Afrique de l’Est ont décidé d’interdire l’importation de vêtements et de chaussures de seconde main d’ici 2019. Une situation qui mettrait en péril les industries de textile de la région.
Pour les Etats-Unis, cette décision contrevient aux engagements pris dans le cadre de l’Agoa, notamment celui d’éliminer les barrières douanières concernant la partie US. « Les critères sont très clairs sur la restriction d’importation des produits américains… Une telle restriction mettrait 40 000 emplois américains en danger », a récemment dénoncé un officiel américain.
Et dans la foulée, la Secondary Materials and Recycled Textiles Association (Smart, regroupant les acteurs américains du commerce de textiles de seconde main) a aussitôt déposé une plainte. C’est dans ce cadre que le bureau du représentant américain au commerce a lancé en juin 2017 une procédure « hors cycle » d’examen de l’éligibilité de l’Ouganda, du Rwanda et de la Tanzanie, du Burundi et du Soudan du Sud à l’Agoa.
Ce programme leur permet d’écouler leurs produits en franchise de droits de douane sur le marché américain sur la période 2015-2025. Mais, selon des observateurs, ses avantages ne sont rien comparées aux perspectives de développement de la filière textile au Rwanda.
« La position du Rwanda n’a pas changé. Nous voulons construire une industrie textile locale, nous voulons promouvoir le made in Rwanda et combler le déficit commercial en réduisant les importations de biens qui peuvent être produits localement comme les habits et les chaussures », a expliqué à la presse internationale Vincent Munyeshyaka, le ministre rwandais du Commerce et de l’Industrie.
« Pour ce qui est de la facilitation de la croissance des industries textile et de la chaussure, nous faisons exactement ce qui était convenu à Washington. Et les Etats-Unis disent non vous ne pouvez pas. Nous continuerons à vous fournir nos vêtements de seconde main. Vous ne pouvez pas développer vos industries. Cela dépasse mon entendement », a pour sa part déploré Robert Opirah, responsable du département des investissements du ministère rwandais du Commerce et de l’Industrie.
La stratégie du gouvernement rwandais concernant le développement des filières textile-habillement et cuir ambitionne de créer plus de 25 600 emplois. Il s’agit surtout de créer les conditions de la réduction des importations de ces produits manufacturés à 33 millions dollars (près de 18 722 662 860 F CFA) d’ici 2019, contre 124 millions dollars (environ 70 351 824 080 F CFA) en 2015.
Autant dire que le Rwanda ne perd rien à interdire ces produits. Ce n’est pas forcément le cas de tous les pays de la Communauté économique de l’Afrique de l’Est (CEAC).
Dan Fodio
Le Focus du 2 juillet 2018