Dans plusieurs villages du cercle de Niono, région de Ségou, les terroristes dictent leurs lois aux populations, ce, à l’absence des forces de sécurité dans les villages. Un redéploiement des militaires est aujourd’hui nécessaire à Débougou afin que la population puisse vaquer tranquillement à ses occupations.

Le cercle de Nioro est réputé être une zone par excellence de production du riz. Elle est la grande attraction de l’Office du Niger et attirent des investisseurs. C’est aussi à Niono que des milliers de jeunes ruraux travaillent dans la terre. Beaucoup ont été installés par l’Office du Niger.

Si du côté de la production du riz, les populations, les jeunes ruraux ne se plaignent absolument pas, l’insécurité demeure leurs principaux soucis, à laquelle il faut vite trouver une solution. Le seul péché des populations est de se retrouver dans une zone où ils sont laissés à eux-mêmes sans protection des forces de sécurité malienne encore moins de la Minusma ou de Barkhane.

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Dans le cercle de Niono, parmi les villages laissés à eux-mêmes, à la merci des hommes en armes figurent le village de Débougou, Ngnelebougou, Santou Ndjila…

Situé entre Niono et Diabaly, Débougou ressemble aujourd’hui à un « no man’s land » où l’Etat à travers les forces de sécurité, est absent. Les populations vivent dans l’insécurité totale avec la présence massive des terroristes visibles aux alentours des villages et parfois même dans les villages.

Comme lors de l’occupation djihadistes à Gao, à Débougou, c’est les djihadistes qui font office de police et c’est encore eux qui tranchent en cas d’injustice. L’Etat étant absent et n’ayant plus à qui s’adresser sur les cas d’injustice, de vols de bétails, les populations ont été dans l’obligation de faire recours aux terroristes pour être mis, parfois, dans leurs droits.

« Aujourd’hui, à Dédougou, chaque personne de la localité détient le numéro de téléphone des responsables terroristes en charge des questions de justice. C’est eux-mêmes qui sont venus nous donnés leurs numéros. Ils nous ont demandé de leur faire appel à chaque fois qu’on est confronté à des problèmes », a affirmé B. D. « Dès que certains se sentent lésés par rapport à une situation, un cas d’injustice, la personne sort son téléphone et les joint tout en indiquant le lieu et l’identité du fauteur de trouble. En moins d’une heure, les djihadistes se présentent. Le plus souvent, ils amènent avec eux en brousse les protagonistes pour le jugement. Et celui qui aura fauté sera soumis aux sanctions prévues par leurs textes. Généralement, la personne incriminée est bastonnée à coup de fouets ». Mieux, dira-t-il, « ceux qui se feront prendre en flagrant délits de vols de bétails ou de braquage, sont jugés par leur tribunal. Condamnés à mort, les brigands sont égorgés les vendredis ».

Le cas d’un village appelé Gnelebougou, distant de 40 km de Molodo, est illustrateur. « Ici, les djihadistes ont égorgé plusieurs voleurs de bétails pris la main dans le sac. En cas de problèmes entre deux personnes, les intéressées rendent compte aux djihadistes qui arrivent instantanément ». 

Le seul paiement qui se fait à Débougou, est la redevance d’eau de l’office du Niger. «  Ils nous demandent de payer les sous de l’office arguant que l’office est un projet de développement qui contribue à l’autosuffisance alimentaire donc à la bouffe », explique un habitant.

Le hic, à Débougou, la mairie ne perçoit plus de taxes, car « les terroristes ont interdit le payement des taxes. Pour eux, l’islam n’autorise pas cela. Conséquence : la mairie est confrontée à d’énormes difficultés financières ».

A ce niveau, certains responsables de la zone confirment que les redevances d’eau sont bien payées. « Au début, il y a eu des incompréhensions mais par la suite, la situation est revenue à la normale », témoigne un agent de l’Office du Niger.

A 25 kilomètres de Débougou, il y a le village de Diambé d’où les djihadistes avaient lancé l’assaut contre Diabaly au lendemain de l’attaque de Konan en 2012. Ici, l’enrôlement s’effectue dans les familles. « Les terroristes viennent dans les familles et proposent de l’argent. La somme varie entre 50 000 F CFA à 100 000 F CFA, selon le jeune ». Entrainés dans le maniement des armes, les recrus n’ont désormais que d’ennemis les porteurs d’uniformes. A partir de ce village, ils sont envoyés en mission. Et en cas de patrouilles des FaMa, la plupart abandonnent le village pour se retrancher dans les forêts du Wagadou, à la frontière mauritanienne.

Les terroristes ont su instaurer une certaine complicité avec la population. Toute chose qui est en train de leur donner de la force.

« Quand nous voyons des voleurs de bétails, on les fait appel, aussitôt, ils interviennent pour mettre hors d’état de nuire les délinquants ».

Si certains se réjouissent de cette façon de gouvernance des terroristes, d’autres très remontés ne savent à quel saint se vouer. « Tout le monde sait que les djihadistes séjournent dans ces villages. Voyez vous-même, nous sommes laissés à notre propre sort, sans défense. Parfois, nous voyons des patrouilles de l’armée qui traversent le village sans pourtant procéder aux fouilles ou autres ratissages », martèle L. D, un des responsables de Diambé.

Toute personne qui s’aventurerait à donner la position d’un djihadiste devient un homme à abattre. « C’est pourquoi, ils ont pu occuper le terrain ». 

A l’instar de Débougou, Macina a aussi basculé dans l’insécurité, avec la peur et l’asphyxie économique qui l’accompagnent. Dans la plupart des villages, les attaques ont surtout pour noms : vol de bétails et interdiction d’ouvrir les classes. Dans cette cité considérée comme l’un des cœurs névralgiques du terrorisme, les djihadistes ont laissé leurs noms. Ils étaient en position de force dans la majorité des localités rurales.  

A Macina, ce sont les forains qui ont été à maintes fois attaqués par des assaillants. « On vit la peur au ventre, dans la psychose ». « Après chaque attaque, les forces de sécurité mettaient du temps à organiser la riposte, mais certains moments, les FAmas ont infligé des pertes aux terroristes, mais ne parviennent pourtant pas à reprendre entièrement le contrôle des zones rurales, ni à empêcher les attaques récurrentes des terroristes dans les villes ». C’est pourquoi dira un élu local, l’insécurité a trouvé du chemin pendant de bons moments.

Autres cibles : les écoles. « Depuis des années, les terroristes avaient exigé la fermeture des écoles et incendiés celles qui tentent de rester ouvertes. Conséquence : beaucoup d’enfants ne sont plus scolarisés depuis deux ou trois ans. Le taux de scolarisation a drastiquement baissé avec des décrochages scolaires importants », affirme un autre élu municipal. Et d’ajouter : « si le conflit perdure, cela risque d’engendrer un problème plus grave encore : celui d’une génération ayant grandi dans la haine, qui pourrait constituer l’ossature de groupes armés futurs ».

Le calme commence à faire son retour à Macina ce, depuis le passage du nouveau ministre de la Défense et des Anciens Combattants, le général Dahirou Dembélé. « On constate un recul des attaques ces temps-ci. Malgré quelques attaques sporadiques, des pertes sont infligés aux terroristes qui sont de plus en plus anéanti par nos forces armées. Toutes fois, la ville est encore traumatisée« , martèle un commerçant.  

Pour pallier définitivement à l’insécurité, les populations demandent le redéploiement en nombre des forces de sécurité dans les villages et sur les routes qui relient les villages. La conséquence de l’absence de l’Etat, c’est la formation des milices dans certains villages de Macina.

Amadou Sidibé

(envoyé spécial)

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