Après 28 ans de démocratie, le Mali s’acheminerait-il vers un État islamique ? Les crises politiques, l’implication des religieux dans la conquête du pouvoir, la décision de chômer la quasi-totalité des fêtes religieuses et la naissance récemment d’un mouvement politico-religieux ; etc., sont certainement les prémices de l’islamisation du pays.

Quelle pièce manque encore au puzzle ? Un mouvement populaire ? L’élection d’un guide religieux au poste de président de la République ? Ou la création d’un sénat, renforcé par une grande notoriété et arsenal juridique taillé sur mesure pour les leaders religieux ? Il est clair qu’un simple déclic peut basculer le Mali dans un Etat islamique. Déjà, dans le box des terroristes et islamistes, la gestion « chaotique » des politiciens oblige les citoyens à se tourner vers de nouveaux acteurs politiques, cachés derrière la couverture de la religion.

Certes, depuis l’indépendance, les religieux ont toujours été consultés et impliqués dans la gestion du pouvoir. Mais, ils ont longtemps joué le rôle de guide, de force de médiation entre la majorité et l’opposition. Aujourd’hui, ce rôle change et la création, courant août 2019, du premier mouvement politico-religieux est un signe annonciateur du changement d’engagement des leaders religieux qui aspirent désormais à prendre le pouvoir. Lancé pour soutenir l’influent imam Mahmoud Dicko, ce mouvement bénéficie déjà du soutien de plusieurs cadres de l’arène politique. En effet, son lancement le week-end dernier, a même été présidé par le ministre des Réformes institutionnelles et des Relations avec la Société civile, Amadou Thiam. Aussi, tous les grands barons de l’opposition et de la majorité politique étaient présents. Le mouvement porte le nom d’un homme influent du pays qui a toujours jouit d’une grande respectabilité auprès du peuple malien à cause de ses prises de position durant son passage au Haut conseil islamique du Mali (HCIM).

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Une revendication politique cinglant

Déjà, à peine lancée, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahamoud Dicko (CMAS) formule son premier acte politique. Son coordinateur, Issa Kaou Djim, invité sur le plateau « Djo kono » de notre confrère Moussa Timbiné sur la radio Djoliba FM mardi 10 septembre 2019, propose une assemblée constituante pour donner une légitimité au président IBK afin de bien gérer le pays. Il estime que cette décision est l’unique solution pour une sortie définitive de la crise. Le mouvement opte aussi pour « un véritable dialogue politique », pourtant rejeté par une partie de la société civile et de partis politiques, prétextant que ce dialogue serait un premier pas vers la révision constitutionnelle. La Cmas va-t-elle soutenir le gouvernement dans cette stratégie ? Cela expliquerait-elle la présence du ministre Amadou Thiam au lancement ? Que veut réellement Mahmoud Dicko ? Car, le timing choisi pour lancer la Cmas porte à confusion. Elle intervient seulement après son départ de la présidence du HCIM, mais aussi au démarrage des véritables négociations autour du dialogue politique inclusif qui devrait probablement se terminer sur la refondation de l’Etat, la révision de la constitution et la mise en place d’un nouveau gouvernement. L’avenir nous édifiera.

Pour autant, la création avec faste de ce mouvement n’est pas l’unique signe annonciateur de l’islamisation du pays. En effet, il y a huit ans, un ministère du Culte a été créé. Durant les quinze dernières années, l’Etat a fortement été malmené par les leaders religieux qui ont été érigés en faiseurs de rois. D’abord l’imam Mahmoud Dicko, puis le Cherif M’Bouillé Haïdara de Nioro, le Guide des Ançar dine, Ousmane Cherif Madani Haïdara et d’autres jeunes leaders religieux jouissant d’un peu de notoriété. Ils ont tous eu leurs mots à dire durant les grandes conquêtes du pouvoir. Pis, souvent, ils ont exigé et obtenu l’annulation de certains textes, pourtant accepté par les députés. Aussi, chaque année le nombre de jours fériés sur le territoire augmentent pour simplement satisfaire les « faiseurs de rois ». La conscience collective est en train d’être préparée à l’islamisation.

Sory I. Konaté

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