Agé de 48 ans, l’ancien ministre des Sports et de l’Education nationale du Mali, Housseini Amion Guindo, figure parmi les personnalités les plus influentes au Mali. Il devra son succès à sa témérité et à son pragmatisme. Après une enfance très difficile marquée par les décès de ses proches et la vie pénible en brousse, il a su se frayer un chemin. Portrait d’un esprit brillant.
Son tableau de chasse est garni d’un nouveau titre. Il intègre le cercle restreint des hommes politiques écrivains avec la publication de son livre « Le peul sans troupeau » paru dans les éditions Maaya racines africaines.
A travers ce livre, Housseini A. Guindo parle de son parcours.
Il a monté quatre à quatre les marches du pouvoir et a toujours été au cœur du développement des localités où il a vécu. Enseignant, directeur et promoteur d’école, président de club régional, député, vice-président de l’Assemblée nationale, président de parti politique, candidat à l’élection présidentielle et ministre des Sports puis de l’Education nationale, Housseini A. Guindo est sans doute l’un des jeunes personnalités politiques les plus influents au Mali.
Une enfance difficile
Pourtant, rien ne présageait un avenir aussi radieux pour cet enfant de brousse. Housseini A. Guindo est issu d’une smalah de 26 enfants dont il est le 24e. Il est né à Bandiagara dans la région de Mopti le 21 avril 1970, mais grandira à Bamba, le village d’origine de son père.
Malgré son statut de fils de chef de canton, Poulo a connu une enfance pénible comme tous les enfants de son époque. Tous les jours, il parcourait 8 kilomètres pour rejoindre l’école et faisait une corvée de plus d’une heure avant la rentrée des classes. Il vivait au village avec sa mère, sa grand-mère maternelle et ses deux frères, son cadet et sa sœur aînée.
A 11 ans, il va vivre deux événements majeurs qui marqueront à jamais sa vie : la perte de ses deux frères, « ses compagnons de route et ses confidents », dit-il. Dans le village de Bamba où il vivait, l’actuel ministre des Sports, n’avait pas accès aux soins médicaux et le village était à plusieurs kilomètres du premier centre de santé. Un jour de foire, son cadet, Hamidou, sur le chemin du retour après une journée de vente de bonbons avec Poulo, s’écroule sur le chemin de la maison.
« Pensant qu’il jouait, j’ai continué jusqu’à la maison. Quelques heures plus tard, ma mère et un oncle sont venus me réveiller pour aller à sa recherche. Nous sommes retournés au marché tard dans la nuit. Nous l’avons trouvé seul couché à même le sol.
Il tremblait et répétait qu’il allait mourir. Le lendemain il rendit l’âme alors que j’étais à l’école. Une semaine plus tard, c’est ma grande sœur aussi qui s’en allait me laissant seul », raconte M. Guindo ému. Et de poursuivre : « Je n’ai jamais su où ils ont été enterrés. Je n’ai jamais su de quoi ils sont morts, mais je sais que s’il y avait un centre de santé au village à l’époque, on aurait pu les sauver ».
Vaine liturgie !
Néanmoins, ces deux drames marqueront à jamais la vie de M. Guindo. Primo, ils ont développé en lui un grand engagement pour le développement de son village d’origine et secundo, ils ont créé en lui la hargne et le courage d’œuvrer pour soulager les plus démunis. « Je tiens mon engament politique du vécu, de mon enfance », aime-t-il répété.
Après quelques années, le tonitruant Poulo rejoint son frère aîné à Sikasso en 1987 où il obtient son DEF la même année à l’Ecole A.
« Trois mois avant le DEF, mon père est mort et je regrette amèrement ce départ, car il était le seul qui croyait en moi », regrette-t-il. Quelques mois plus tard, son frère Ousmane, grâce à qui il avait connu Sikasso, est muté dans une autre localité du Mali. Lui restera chez un ami de ce dernier et ce fut le début d’une autre période sombre de sa vie.
Poulo, bouillant et ne s’entendant pas avec son logeur, quitte la maison et se retrouve dans la rue. « Je venais dormir chez mes amis à des heures tardives, au moment où les parents de ceux-ci dormaient. Je quittais tôt pour éviter tous soupçons. C’est dans cette situation que j’ai passé au baccalauréat en 1991 en déjouant tous les pronostics qui m’annonçaient perdant ». Après, il rejoint l’Ecole normale supérieure de Bamako (EN Sup) d’où il sort nanti d’une maîtrise en histoire et géographie en 1997.
Un homme d’action
Après ses études supérieures, il enseigne au lycée Mgr De Montclos de Sikasso puis devient consultant au compte d’une ONG, dénommée « Fonds d’investissement local ». Il profite de ces expériences pour fonder, en 2001, le lycée Amion Guindo de Sikasso, devenu très célèbre à travers son mécénat en faveur des enfants démunis.
Il ouvre ensuite l’école professionnelle Bah Fanta de Sikasso. Poulo, selon des anciens de ce lycée, a toujours soutenu les enfants démunis et même pris en charge plus de 3000 enfants de la région déshérités et renvoyés de l’école pour redoublement et manque de moyens.
« Il fallait les aider à obtenir un diplôme, à être mieux encadrés pour bien servir la nation. Le pays a besoin de tous ses fils. Après avoir connu les mêmes problèmes, je ne pouvais pas laisser ces enfants à leur propre sort. Donc j’ai décidé de les accueillir dans mon lycée. Certains ont eu des mentions au bac, d’autres sont aujourd’hui des cadres du pays, d’autres encore servent dans l’armée », se réjouit-il.
Cet engagement de M. Guindo lui vaudra d’être sollicité par la jeunesse de la 3e région pour prendre les rênes de l’équipe régionale, le Tata de Sikasso. En une année de présidence de Poulo, le club se hisse en 1re division. Une grande première, signe perceptible du bon manager décelé en lui à cette époque. Cette passion pour le sport et le ballon rond en particulier lui donne accès à la vice-présidence de la Fédération malienne de football. Mieux, la jeunesse portera sa candidature de l`élection partielle de 2005 à l’issue de laquelle il est élu député.
Il rejoint ensuite le RPM, actuel parti au pouvoir, qu’il quittera en 2007. La même année, il est réélu (en tant qu’indépendant) au poste de député du cercle de Sikasso, seul député reconduit cette année dans cette circonscription qui en élit sept. En 2008, il est élu président de la Codem dont il est le co-fondateur. Son parti, né avec ses 32 dents, est aujourd’hui la 4e force politique du Mali. En huit ans, il s’est implanté partout au Mali. Il compte plus de 705 conseillers communaux, 38 maires et des députés.
Le bel héritage légué à Poulo par son père
Bien qu’originaire de la région de Mopti, Poulo est élu député, pour deux mandats successifs dans la région de Sikasso. Bien que Dogon, on le surnomme « Poulo » (Peul) pour ses accointances avec son homonyme et grand-père maternel, grand notable du cercle Diré, dont il est très fier. Les trente-deux ans pendant lesquels son père officia comme administrateur colonial dans les régions nord (de Niafunké à Diré en passant par Goundam) fait que la langue songhaï est couramment parlée dans sa famille. Ce qui lui a permis de parler plusieurs langues. Cela est loin d’être la seule chose dont il a hérité de son père. En effet, pour une bonne cohabitation entre ses enfants, Amion Guindo, n’a laissé aucun bien matériel comme héritage.
Avant sa mort, il a partagé tous ses biens à ses amis et aux démunis. Avec son statut de chef de canton, il avait plusieurs terrains et des parcelles à usage d’habitation Bandiagara qu’il partagera avant son décès. « Il a tout distribué sauf une maison. Il voulait que tous ses enfants vivent sous le même toit. Mais, il insistait beaucoup sur les valeurs.
C’est pour cette raison que j’ai même vécu mon enfance au village dans le calvaire », explique-t-il.
Pour lui, s’il y a un héritage a lui légué par son père, c’est cette cohésion, l’amour de la patrie et le travail bien fait. « Sa façon de faire est une leçon pour nous tous. Il a eu plus de 26 enfants, mais les a tous bien éduqués. Il a fait de son mieux pour transmettre certaines valeurs intarissables », dit-il. Et de demander aux jeunes d’être actifs et d’éviter la passivité.
Poulo, marié et père de quatre enfants, partage sa vie entre sa carrière politique, son travail au gouvernement et ses nombreuses visites à Sikasso et à Bamba. Chaque année, il participe à la pêche collective dans la mare de Bamba.
Celui qui a par ailleurs été intronisé « Roi en Côte d’Ivoire » a fait du renouveau, de l’exemplarité et de la transparence son credo. A l’image d’autres modèles du continent, l’ancien ministre des Sports est un loup de la politique malienne qui désire obtenir un jour le gouvernail du bateau Mali afin de le mener à bon port.