Insatisfaction, colère, dégoût de la politique, voire non-reconnaissance du vote blanc… A travers ce micro-trottoir, des Bamakois donnent les raisons de leur abstention.
Amadou T. Diallo (enseignant) :
« Aucun candidat ne m’attire et les petits candidats sont tellement peu présents dans les médias qu’il faut aller chercher l’information par soi-même pour, au final, ne pas se sentir beaucoup plus proche d’eux. J’ai 43 ans et j’ai voté pour la première fois il y a cinq ans. Cependant, à force de crier Boua ta bla ou Boua ba bla, à force de voir les casseroles de chaque candidat, à force de voir les gens s’étriper, voire s’insulter, par médias interposés (candidats ou électeurs), je commence à perdre la foi. Je fais sûrement partie des gens désabusés : ceux qui n’y croient plus. Je pense aussi que c’est le contexte mondial qui fait que je n’ai plus beaucoup d’espoir pour la démocratie en général. On risque d’avoir une crise post-électorale ».
Fatoumata Koné (26 ans, diplômée en secrétariat de direction) :
« Agée de 26 ans, je pensais me rendre aux urnes pour la première fois, malheureusement je ne compte plus y aller. Pourquoi ? Parce que j’ai l’impression que chaque candidat nous ment ouvertement, sans gêne, en faisant des promesses pharaoniques qu’il ne tiendra jamais. Notre société tourne en rond. Les politiciens ne sont avides que de pouvoir et d’argent. Ce ne sont plus des humains, mais des robots impitoyables, sans valeur. Je ne veux pas faire mon choix par élimination et faire partie des personnes qui auront élu un certain président qui, quoi qu’il advienne, ne me conviendra pas et ne méritera pas mon vote ».
Albert Koné (enseignant) :
« J’ai toujours voté, mais cette fois je pense m’abstenir. J’ai l’impression que ma voix ne sera pas entendue, que voter ne changera rien à l’état du pays et ne résoudra pas mes problèmes quotidiens (et cela, peu importe le parti et le candidat). S’y ajoute la frustrante impression et constatation que toute la classe politique semble mue par l’appât du gain, plus que par le bien commun. Je n’irais pas voter, car je pense que notre démocratie est un mirage et que les gens qui disent nous représenter ne sont pas dignes. Aucun ne semble avoir de vraies propositions, de volonté politique de changement. Ils veulent tous que Boua ka bla, alors que Boua vaut mieux qu’eux ».
Marie Koné (ménagère) :
« J’ai déjà voté. C’était quand j’étais encore au village. Cela fait huit ans. J’ai grandi dans une famille extrêmement politisée, avec deux parents militants encartés depuis leur adolescence : voter était un devoir. J’ai voté pour soutenir le parti de mon père. Mais maintenant je suis à Bamako avec mon mari. Et j’ai décidé de ne plus voter, car le vote n’a rien changé dans mes conditions de vie ».
Boua Sanogo (soudeur) :
« Je compte voter, mais j’ai des doutes pour qui. En réalité, j’ai l’impression que c’est une répétition. Il n’y a ni changement ni évolution. Chaque jour, on va de mal en pire. On vote, on vote et on revote, mais rien ne change. Le pays connaît les mêmes problèmes, les mêmes crises et surtout la corruption. C’est ça mon problème. J’ai retiré ma carte, mais j’attends le jour J. On verra bien ».
Propos recueillis par H. Koné
Le Focus du mardi 24 juillet 2018