Le mardi dernier, 4 février 2020, Ballaké Sissoko, l’un des artistes africains les plus remarquables, le joueur de kora exceptionnel du Mali, vient de voir sa kora sur mesure entièrement détruite par les douanes américaines, sans aucune justification.
Ballaké est un artiste distingué et très acclamé qui parcourt le monde avec sa kora pour des concerts dans des salles prestigieuses. Sa réputation est irréprochable en tant qu’artiste et en tant qu’être humain. Il n’a pas de casier judiciaire. Il est juste un brillant musicien, un pacifiste, une personne gentille et douce, un artiste magnifique et créatif qui parvient à donner à la tradition africaine une voix contemporaine avec une intégrité totale.
La kora est un instrument fragile fabriquée à la main et la kora de Ballaké est conçue sur mesure selon ses propres spécifications. C’est une partie intrinsèque qui lui donne ce son très spécial et spécifique à Ballaké Sissoko. Le col de la kora a été retiré. Les cordes, le chevalet et l’ensemble du système d’amplification, délicat et complexe, ont été démontés. La kora est en morceaux. Même si tous les composants qui ont été démontés étaient intacts, il faut des semaines avant qu’une kora de ce calibre puisse revenir à son état de résonance précédent. Ces types de koras sur mesure sont tout simplement impossibles à remplacer. Ils ne sont certainement pas disponibles dans les magasins.
Ballaké venait de terminer une tournée réussie de deux semaines aux États-Unis (LA, Berkeley, Miami, Chicago et NY) avec son groupe 3MA, un trio innovant et unique qui rassemble des instruments à cordes du Mali, du Maroc et de Madagascar.
C'était un vol de nuit qui arrivait à Paris le 4 février. Quand il a ouvert le boîtier de la kora, il a été choqué et consterné de trouver sa kora en plusieurs morceaux, avec seulement une note des douanes américaines - en espagnol, avec la devise malheureuse : "La sécurité intelligente fait gagner du temps".
Au Mali, les djihadistes menacent de détruire les instruments de musique, de couper les langues des chanteurs et de réduire au silence le grand patrimoine musical du Mali. Et pourtant, ironiquement, ce sont les douanes américaines qui ont réussi à leur manière. Auraient-ils osé faire une chose pareille à un musicien blanc jouant d'un instrument classique ? Qu'est-ce que cela nous apprend sur l'attitude de l'administration Trump envers les musiciens africains ? Il s'agit d'un acte d'agression non provoqué et triste, reflet du type d'ignorance culturelle et de racisme qui envahit tant de régions du monde et qui met en danger les meilleurs musiciens d'Afrique et d'ailleurs.
Professor Lucy Duran