Cela fait très longtemps, que je ne t’ai pas envoyé de lettre pour te donner les nouvelles du pays. Cela est dû à plusieurs raisons indépendantes de ma volonté, je les écrivais mais je ne sais pas pourquoi, tu ne les recevais pas. Etait-ce la panique du nouveau phénomène d’incendie qui s’est ajouté à nos drames ? Je ne sais pas grand-père. Je me rappelle, après la guerre, les conflits au centre, les exactions, l’inondation du début d’hivernage, la famine, cette fois-ci, c’est l’incendie. Oui ! Grand-père, tout peut tuer chez nous au Mali actuellement. Nous sommes tous des potentiels cibles de la mort, entre les mines et les citernes. Qu’Allah nous sauve ! Amine !
Cher grand-père, j’espère que tout va bien au village. Et que ce matin, tu as tout fait pour que tous les enfants (filles et garçons), puissent aller à l’école. Ha non ! J’ai oublié, Iyad ne veut pas de lampe pardon ne veut d’écoles au village. Car il a besoin d’obscurité pour faire régner ses lois sans foi ni cœur. Oui grand-père, il a besoin de jeunes sans aucun avenir, sans projet ni entreprise pour prendre des fusils et distribuer la terreur. Donc la lumière ne l’arrange pas, les classes seront les plus grandes ennemies. Il les fermera toutes. Triste, Grand-père ! De voir ces jeunes enfants de nos villages sans aucune éducation destinés à être absorbés par la force du mal. Triste grand-père… triste ! Et je comprends vos larmes. Pleurez, grand-père, hurlez ! Quoi qu’on dise.
Sur le plan politique, je suis désolé grand-père, tu as bien fait de rester au village, de boucher tes oreilles et de fermer tes yeux pour ne rien voir et ne rien entendre car ça ne va pas du tout. Tu te rappelles ce transport en commun qu’on appelle « Sotrama » ? Ces Sotramas qui quittent Sébénicoro, Badalabougou, Djicoroni ACI et autres pour aller au « Rail da », ces Sotramas qui s’arrêtent à chaque fois qu’on les signale pour que descende ou monte un passager. Ces Sotramas qui ne cessent de chicaner. Ces Sotramas contrôlées par tout le monde où chaque avis est une loi ? Grand-père, aujourd’hui, le Mali est à l’image de ces Sotramas. On ne sait plus qui est responsable entre l’apprenti, le chauffeur, les passagers ou les policiers internationaux qui aussi ne cessent de dicter leurs lois entre (ODD et Accord de paix).
Ce qui est pire encore, grand-père, notre Sotrama a perdu tous ses axes prédéfinis et ne sait plus où aller. Et elle est en train de perdre sa seule dernière chance de retrouver ses axes par un Dialogue national. Oui cher grand-père, je pense que certains passagers ne veulent pas du tout que la Sotrama avance. Ils ne veulent pas qu’on révise les rouages du véhicule en définissant les grands axes. Pourtant grand-père, moi je pressens qu’on risque de tout réviser cette fois-ci et aussi les passagers récalcitrants. Ils seront tous révisés.
Cher grand-père, en attendant que la Sotrama avance avec l’aide de tous pour l’intérêt de tous, moi je prends un taxi pour Paris. Grand-père Chirac n’est plus. Je m’en vais pleurer pardon prier pour son repos éternel. Je te ferai une autre lettre depuis là-bas. Et reçois ainsi ma vingt-deuxième lettre avec mes sincères salutations.
A mardi prochain Inch’Allah !
Lettre de Koureichy