Méthode de production excluant le recours aux produits chimiques, l’agriculture biologique est aujourd’hui perçue comme l’alternative à une consommation « malsaine ». A Bamako, des initiatives tendant à la valorisation des produits « bio » se multiplient. Certains producteurs, convaincus du manque de viabilité de l’agriculture conventionnelle, n’hésitent pas à se tourner vers ce marché prometteur en vue d’attirer des consommateurs de plus en plus avertis sur la qualité des produits qu’ils consomment.
Samedi 16 novembre 2019. Sotuba ACI, rive gauche du fleuve Niger. Il est 10 heures. La cour qui accueille la coopérative Lakana Sènè ne désemplit pas. Comme à l’accoutumée, c’est l’ouverture du marché hebdomadaire bio. Une variété de produits : légumes, fruits, tomates, etc., minutieusement étalés sur une table rectangulaire, proposée à la dizaine de clients qui prennent d’assaut chaque samedi ce petit marché pour s’offrir un « privilège » : des produits naturels dénués de tout engrais ou pesticides chimiques.
« Il est aujourd’hui nécessaire de prendre conscience que manger sain est un impératif pour préserver notre santé. C’est pourquoi je viens ici souvent pour faire mes courses car on y trouve des produits sains et de très haute qualités », explique une cliente, croisée sur place.
Lancé il y a 4 ans par la Coopérative « Lakana Sènè » – (agriculture qui préserve en français, ndrl), ce marché bio présente une singularité : l’absence d’intermédiaire entre les producteurs et les acheteurs.
« Nous produisons et vendons directement nos produits aux consommateurs », assure Abdoul Aziz Ballo, maraîcher et président de la Coopérative. Selon lui, cela permet aux clients de se sentir partie intégrante du processus de développement et de valorisation du marché. « Ce contact direct nous permet de fixer ensemble des prix raisonnables et justes pour la qualité », poursuit le maraîcher. « Il y a une relation de proximité et de confiance entre nous car on sait que les producteurs nous apportent des fruits et légumes cultivés dans des conditions naturelles et respectueuses de l’environnement », témoigne Awa Conté, une adepte des lieux qui vient de débourser 10 000 F CFA pour sa provision de la semaine. « Je peux conserver ces produits pendant une semaine entière sans risquer de les voir pourrir », se réjoui-t-elle.
Une demande croissante
Longtemps considérée comme une habitude de « luxe », la consommation du bio s’insère progressivement dans les habitudes culinaires au Mali. Selon Karim Dagnoko, chercheur, spécialiste de la protection des végétaux à l’Institut national de l’agriculture (Ina), la consommation bio se développe actuellement au Mali parce que les populations sont de plus en plus sensibles à la qualité des aliments qu’elles consomment. « Aujourd’hui, les gens savent plus ou moins les dangers que peuvent avoir les engrais chimiques sur la santé », signale-t-il. Ainsi, précise M. Dagnoko,la plupart des personnes ayant les moyens optent pour le bio car ces produits gardent un goût plus naturel. Ils sont facilement conservables à long terme et très bénéfique pour l’organisme.
Malgré la différence de prix assez notoire par rapport aux aliments issus de l’agriculture conventionnelle, les produits bios ne manquent pas de clientèle. Au contraire, ils attirent plus de clientèle, compte ténu de leur rareté sur le marché. « C’est très facile qu’on soit en rupture de stock car les denrées s’écoulent très rapidement or la production est lente et repose essentiellement sur les composts et les fertilisants naturelles », explique M. Ballo, avant de révéler que la coopérative vend en moyenne chaque week-end entre 200 000 et 250 000 F CFA.
A l’instar de Lakana Sènè, l’Association malienne pour la solidarité et le développement (AMSD) s’est également lancée dans le bio. Avec aujourd’hui plus de 252 producteurs et près de 112 hectares de surfaces bio, l’AMSD, qui s’appuie sur sa marque de certification de produit « Bio local », stimule aussi la dynamique de promotion et de vente des denrées alimentaires bio. « Notre association sert d’interface pour faciliter les liens entre les producteurs et les acheteurs », indique Hamidou Diawara président de l’association. Il est convaincu qu’il est inévitable de se convertir au bio aujourd’hui car « l’agriculture conventionnelle est tout simplement intenable sur le long terme ».
Outre les légumes et herbes aromatiques, la ferveur « bio » gagne aussi certains éleveurs qui tablent sur cette approche pour nourrir, soigner, élever naturellement et sainement leurs chèvres, bœufs, moutons et volailles. C’est dire que la dynamique initialement impulsée par les jus de fruits naturels s’élargie au point de faire concurrence à certains produits conventionnels de même catégorie.