Dans beaucoup de pays, notamment ceux du Tiers-Monde, la justice moderne y implantée par la colonisation européenne de la 2è moitié du XIXè siècle, est réputée pour sa lenteur, sa lourdeur et son coût excessivement exorbitant.

Cette situation est si présente que des hommes et des femmes qui se traînent devant les tribunaux pour des affaires criminelles ou même civiles, deviennent par la suite des ennemis jurés pour la vie. En tous les cas, le passage devant une juridiction de quelque nature soit-elle, laisse des traces des deux côtés. A la faveur des évènements de Mars 1991, on avait espéré au Mali que cette situation serait renversée et que les juges mis dans de meilleures conditions de vie et de travail feraient mieux que leurs aînés dans le traitement des dossiers.

De fait, dans le train des premières mesures prises par le premier gouvernement du Mali démocratique, figuraient non seulement le vote du statut particulier de la magistrature mais également l’adoption d’un programme décennal de développement de la justice (Prodej). Le législateur crut naïvement à cette époque que ces mesures serviraient à mieux faire respecter le serment des juges en les mettant au-dessus des pourboires et autres dessous de table qui sous le CMLN et l’UDPM avaient gangrené le corps par manque de ressources financières.

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Maintenant après plus de 30 ans de pratique judiciaire, on se rend compte que ce fut un coup d’épée dans l’eau dans la mesure où la corruption est plus vivante que jamais dans ce corps et que tous les maux anciennement reprochés à la magistrature valent encore aujourd’hui leur pesant d’or.

Les magistrats dont beaucoup sont des sortants de l’Ena ancienne formule exercent avec un diplôme équivalent à une maitrise en droit, qu’ils soient juges d’instruction, procureurs ou juges au siège. Qu’à cela ne tienne, ils bénéficient des avantages du statut particulier de la magistrature de 1996 avec un salaire nettement supérieur à celui de leurs professeurs de l’Ena qui eux ne sont considérés que des professeurs d’enseignement supérieur et sont rémunérés comme tels.

D’énormes avantages financiers et matériels furent accordés à ces maitrisards pour leur permettre de faire tourner la machine de la justice et personne ne cherche à remettre en cause ces acquis. En dépit de cela, il ne faut pas avoir affaire à la justice sinon de désespoir vous allez vous croire étranger dans votre propre pays. La petite secrétaire du procureur vous dira en termes clairs qu’elle n’a pas encore fini de croquer son sandwich à plus forte raison de s’occuper de vous et cette réponse n’étonnera personne.

Pour un petit dossier de demande de divorce pour coups et blessures, menaces de mort et insultes gravissimes, il vous faudra attendre deux bons mois ou plus pour disposer du verdict du juge de fond qui, elle, passera plus de temps dans les toilettes à se rendre belle qu’à vous prendre en charge. De façon officielle, la prébende est formellement interdite, mais rien n’empêche un juge de la prendre et de diligenter une affaire civile.

Plus grave encore, dans nos cours et tribunaux, les marchandes de friandises font la loi avec la complicité des secrétaires si bien qu’en pénétrant dans ce lieu on ne sait plus si on est au marché ou dans une cour de justice. Pour une affaire nécessitant la présence du procureur, lorsque celui-ci apparaît en grande pompe, on se croirait sur la terre de l’Olympie des dieux grecs, tellement cette cérémonie banale sous d’autres cieux est ici marquée par une solennité inutile.

Les juges, chacun le sait, font plus semblant de travailler que de gérer les dossiers à eux confiés, si bien que ceux-ci s’entassent les uns sur les autres jusqu’à devenir une montagne quasi ingérable. Il est aussi vrai qu’on n’est pas loin des temps de Jean de La Fontaine où selon que vous soyez riche ou pauvre, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Facoh Donki Diarra

écrivain Konibabougou

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