Jeudi 21 avril 2022, le Premier ministre Dr Choguel Kokala Maïga sera devant le Conseil national de la Transition (CNT) sur convocation du président du CNT, le colonel Malick Diaw. Il devra présenter le bilan du gouvernement. C’est un premier grand test pour M. Maïga qui retourne au CNT après la présentation du Plan d’action gouvernementale(PAG) en août 2021. L’analyse du Pr Clément Dembélé sur le bilan et ses propositions pour une rectification de la gouvernance.
« Le bilan que Choguel pourrait présenter consiste les grandes orientations et actions menées par son gouvernement depuis son arrivée à la Primature. Les Maliens, en dehors de l’enveloppe émotionnelle et en dehors de la passion aveuglée et aveuglante, attendent impatiemment de savoir ce que le gouvernement a posé comme acte salutaire, original et d’envergure nationale depuis l’arrivée de Choguel à la Primature.
C’est une bonne chose. C’est ce que nous attendions du CNT dès le départ. Ce sera aussi bien pour Choguel de montrer ce qu’il a fait réellement. Il ne s’agit pas d’aller dire abas la France ou encore la Cedeao ou de mettre tout sur le dos de la sanction de la Cedeao ou du Covid. Mais qu’est ce qui a été fait réellement ? Il ne s’agit pas non plus de dire que l’armée monte en puissance parce qu’on ne peut résumer l’action gouvernementale à une récente montée en puissance de l’armée.
Il y a le Programme d’action gouvernementale (PAG) que Choguel a présenté devant le même CNT. Nous voulons savoir si Choguel a donné les mille milliards. Si toutes les réformes que Choguel a promises ont été réalisées, si le PAG a été exécuté. Pourquoi et comment ça a été exécuté d’une façon très concrète ? En dehors de tout discours passionné et passionnel. La lutte contre la corruption qui aujourd’hui, on sait très bien que c’est une lutte politique et non pas une lutte réelle. Il n’y a aucun outil aujourd’hui, aucun indicateur de mesure pour dire qu’effectivement nous sommes en train de lutter contre la corruption.
Au contraire, les gens qui ont été arrêtés, ont été libérés. Les nouvelles arrestations sont des arrestations ciblées. Sinon on sait très bien que l’on ne peut pas arrêter une partie et ne pas arrêter une autre. Donc on ne peut présenter aujourd’hui la lutte contre la corruption comme étant un élément effectif, une victoire ou comme une réalisation pour Choguel. Nous attendons tous de savoir ce que Choguel et son gouvernement ont fait. Ce serait une très bonne chose pour le gouvernement, le CNT et la transition en dehors de tout discours de passion pour que le peuple malien sache ce qui se passe réellement.
Des choses qui ont marché, d’autres non…
Ce qui a marché, que l’on aime Choguel ou pas, que ça soit du populisme ou de la propagande ou pas, il a quand même créé le sentiment chez le peuple malien, la fierté d’être malien et de dire que nous pouvons faire face au peuple malien. Je ne parle pas du fond, le fond est très discutable, très contestable mais la forme de son discours aux Nations Unies a suscité une grande attention et un grand sentiment patriotique chez le Malien. Ça c’est une bonne chose.
L’erreur, ça a été de continuer sur ce créneau. Il a eu du succès mais il a continué à s’attaquer à tout le monde dans le discours pour continuer à recevoir des applaudissements du peuple. Cela n’a pas marché. Cela a fait que le Mali a été isolé. On ne s’entend pratiquement avec aucun partenaire. Aujourd’hui, nous sommes dans l’impasse. Choguel a du mal à rassembler. Je ne pense pas qu’il pourrait faire cela. Or c’est cela sa mission première, rassembler les Maliens. Sinon le discours qu’il a tenu devant les Nations unies, c’est un très bon discours. C’est un discours de fierté et de dignité mais il a continué avec le même discours parce que les gens l’applaudissent et le Mali est devenu une République de Facebook. Où on regarde les tendances sur ce réseau social avant de faire des déclarations. On vexe les gens et on ferme la porte au partenaire. Aujourd’hui nous sommes pratiquement au bout du rouleau et ça ne peut plus continuer. Le compresseur est arrivé presque à bout. C’est la ligne du terminus. Donner le sentiment de fierté aux Maliens mais ça devrait s’arrêter là et poser des actes concrets derrière. Mais il n’y a pas eu ça. Il y a eu de l’agressivité, du clivage et des discours infondés sans orientation qui ne consistait qu’à faire plaire. Or Choguel est un homme très intelligent. Un homme d’expérience politique, on ne sait pas comment il peut tomber dans ce piège. C’est dommage.
Propositions de solutions
Pour sortir du gouffre, il faut que le colonel Assimi Goïta, président de la Transition et Choguel parlent avec tout le monde. Qu’ils acceptent de sortir de cette considération qu’il y a des bons Maliens et des mauvais Maliens. Nous sommes dans une transition. Même ceux qui ne sont pas d’accord avec eux, doivent être concertés. Il faut ouvrir la porte. Discuter avec eux. Il ne s’agit pas de dire que la porte est ouverte mais de le dire. Tendre la main aux gens. La première mission pour la réussite de la Transition pour Choguel et Assimi, c’est de rassembler les gens. Les Maliens sont divisés. Les Maliens sont profondément clivés. Il y a du clivage politique et social. On est dans l’insécurité. Pour résoudre ce problème, il faut vraiment rassembler les gens. Si aujourd’hui, Choguel doit faire quelque chose pour sortir de ce gouffre, c’est de rassembler les Maliens. Secundo, il devra parler avec la communauté internationale. On ne peut tourner le dos à tout le monde. On ne peut pas fermer la porte à tout le monde. Il faut une diplomatie économique parce qu’il n’y a pas d’argent. Notre économie souffre. Nous devons nous tourner vers ce que moi j’appelle la diplomatie économique. En même temps, il faut donner l’exemple. On ne peut pas dire aux Maliens de faire des efforts quand le gouvernement ne fait pas d’ efforts. Il faut réduire encore les dépenses de l’Etat. Il faut montrer l’exemple. Il faut montrer aux Maliens que l’espoir est permis et qu’il ne sera pas un désespoir. Il faut une visibilité et poser des actions concrètes. Il faut parler avec la communauté internationale et rassembler les Maliens.
Choguel doit changer de style. Il faut sortir du système de règlement de compte. Il faut montrer la grandeur d’âme en allant au-delà de la vieille école politique du Mali. Il faut aller vers les Maliens. Il faut une véritable réforme agricole. Il faut qu’il s’attaque à l’éducation. Il faut qu’il fasse quelque chose. Il ne doit jamais oublier deux choses : le Mali ne se limite pas à Bamako et le Mali ne s’appelle pas République de Facebook et que les vrais journalistes, ce ne sont pas les réseaux sociaux ».
Propos recueillis par
Koureichy Cissé