À la lumière du contexte indescriptible qui s’est imposé à notre pays, il nous faut courageusement introduire la culture de l’alternance et la régénérescence de notre classe dirigeante. Cela doit commencer par la limitation du mandat de nos élites dans les formations politiques, en les soumettant à une évaluation périodique. Pour ce faire, les critères de compétence et d’éthique doivent primer sur la capacité financière.

Ensuite, il faut oser s’attaquer à notre armée pour l’empêcher d’intervenir intempestivement dans l’arène politique. Il faudra penser, le plus tôt possible, à alléger l’administration militaire victime du trop grand nombre d’officiers supérieurs. Il faut dépolitiser l’armée en la professionnalisant et en la confinant dans son rôle républicain de défense de l’intégrité du territoire, des citoyens et de leurs biens. Il s’agirait, non pas de nous débarrasser de certains éléments ciblés des forces armées nationales et de sécurité, mais de définir leurs place et rôle à tous, au service exclusif du peuple. Ainsi l’armée nationale regagnera-t-elle, à terme, la confiance de nos populations et l’efficacité attendue d’elle.

Cela passe, nécessairement, par l’abandon des pratiques malsaines qui caractérisent la gestion de l’espace politique et des institutions civiles et militaires. Il faudrait initier une véritable révolution, c’est-à-dire une politique axée sur un changement de système, un renouvellement des méthodes et surtout des hommes. Ce qui pourrait contribuer à une transition réussie au bénéfice de nos partis politiques et du Mali tout entier.

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Il est indispensable d’assainir la gestion au sommet de l’Etat, avec l’émergence de nouveaux acteurs à l’intégrité établie, à la probité morale avérée et qui sont, surtout, dignes de la confiance du peuple, porteurs d’une nouvelle vision politique. Mais ces hommes d’un profil nouveau doivent se soumettre au rigoureux principe de fidélité aux valeurs positives du pays, et privilégier les questions de sécurité, de gouvernance vertueuse, de réformes politiques et institutionnelles avec, en ligne de mire et comme finalité, l’adhésion à des élections transparentes, crédibles et acceptées de tous. Il ne sert à rien de prôner le changement tout en continuant les pratiques et méthodes décriées, avec les mêmes acteurs. Le changement véritable ne saurait se faire sans le renouveau politique, à travers la moralisation des hommes politiques et de certains leaders religieux qui surfent sur les angoisses et exploitent l’ignorance des Maliens. Procéder autrement reviendrait à ignorer le sens profond des événements qui secouent le pays depuis la première interruption du processus démocratique en 2012 et toutes les déviations enregistrées, depuis, au sein de la classe politique, de la caste militaire et de la société civile. Si les partis politiques veulent éviter le désastre à notre cher pays, ils doivent écouter leurs militants et les Maliens en général, prendre en compte leurs aspirations légitimes : éducation, santé, autosuffisance alimentaire, bonne distribution de la justice, répartition équitable des richesses nationales…

On ne saurait comprendre ni résoudre durablement la crise actuelle du Mali sans l’analyser dans un contexte global caractérisé par le rejet de certains visages politiques, religieux et militaires. Aucun de nos chefs militaires n’est étranger à la situation délétère du pays. Le grand défi qui se pose à cet égard consiste à dépolitiser l’armée et à la réorganiser afin de neutraliser les éventuelles velléités de reconquête du pouvoir politique.

Sous l’effet des épreuves, le tragique et le pire se sont maintenus du fait de l’instrumentalisation politique qui en a été faite et qui a conduit à une pratique patrimoniale et autoritaire du pouvoir d’Etat. Et c’est cela qui pourrait empêcher le Mali de se renouveler.

Les chantiers de la refondation

Pour sauver le processus démocratique, il faut, dès le départ, enrayer les risques de sa remise en cause par les militaires. À cet égard, il est risqué de les mettre dos au mur, mais pour peu qu’on les cajole en oubliant leurs erreurs et celles de leurs thuriféraires occasionnels, et pour peu que populations et officiers deviennent moins sceptiques quant aux chances de démocratisation, le cantonnement des militaires dans leurs casernes, la légitimité alternative des éléments des forces armées et de sécurité, est possible. La crainte de perdre des privilèges, de voir s’effondrer le prestige de l’institution militaire sont alors autant de facteurs qui peuvent amener certains militaires à mettre un coup d’arrêt au processus démocratique en cours dans notre pays. Le risque peut venir aussi des gouvernants qui échouent à promouvoir le développement économique ainsi que le respect de la loi et de l’ordre ou alors de politiciens ambitieux qui impliquent les militaires dans des stratégies pouvant compromettre notre système démocratique. L’expérience montre, en effet, que lorsque les militaires sont mis dos au mur, lors de la transition vers la démocratie, la probabilité est grande de les voir utiliser la force pour se maintenir ou revenir au pouvoir.

Il découle de cet état d’esprit, qui est largement partagé par les militaires, que, pour eux, l’armée n’est pas tant un instrument de défense de la souveraineté nationale que l’incarnation de cette souveraineté. Par conséquent, le pouvoir d’Etat lui revient et il lui appartient de le donner ou de le reprendre quand elle le juge opportun. Ce n’est pas un hasard si les militaires invoquent fréquemment « le désordre » et vantent leur « capacité » à y mettre fin pour justifier leur intrusion dans l’espace politique. Il nous faut une sorte de pacte fondateur, un compromis permettant de donner des garanties aux militaires tout en promouvant le dialogue politique ouvert.

L’absence d’une telle entente peut exposer notre démocratie en construction à des tentatives de déstabilisation permanente.

Arrêtons d’être des contemplateurs face aux périls

Négligents ou impuissants, puissants ou vigilants, charmants, éloquents ou craints, nous répondons tous de l’état de notre nation, notre patrimoine commun. Nous ne serons donc jamais innocents de la laisser entre les mains de ceux qui veulent la détruire. Si nous ne bougeons pas, ils sont en train de la défaire sous nos yeux incrédules, d’y injecter plus de périls qu’elle n’en porte déjà. Ce qui est à craindre le plus, c’est qu’ils ne parviennent à nous habituer à notre situation de contemplateurs. Chacune de leurs actions incohérentes nous renvoie davantage dans la détresse, l’humiliation. Et ils semblent totalement indifférents à la vie réelle dans laquelle la majorité de notre population est plongée.

Le milieu politique malien est devenu triste et malheureux. À observer le spectacle ridicule auquel se livrent certains hommes « politiques » pour la conquête du pouvoir, ils sont sans limites dans leurs ambitions dépourvues de vision. Soyons donc vigilants, lucides et bienveillants pour éviter l’aventure, la catastrophe à notre pays. Ne vivons pas la politique de l’autruche qui enfonce sa tête dans le sable volontairement pour se faire croire que tout va bien tout autour, alors que… Cette nouvelle race de « politiciens » aux langues mielleuses, sans passé établi, se met à croire malheureusement à ses propres mensonges ; ils sont devenus de vrais mythomanes, embobinant les gens, manipulant les plus faibles d’esprit pour leurs intérêts personnels. Malgré leur assurance affichée, ils sont constamment habités par la peur d’être démasqués… Le volcan boue en eux. Ils font pitié, car ils sont pitoyables. Pour eux-mêmes, pour les Maliens pétris d’une riche culture. Les marchands d’illusions ont beau seriner l’apocalypse, le Mali se remettra debout, poursuivra dignement son parcours inexorable pour son développement. Le changement est difficile au début, compliqué au milieu et magnifique à la fin. Œuvrons pour que le nôtre ne nous mène pas au désastre.

Notre responsabilité actuelle, en tant que citoyens à qui le destin du pays a été confié de façon temporaire, c’est de nous armer de courage et de nous assumer face à toutes nos actions. Il y va de la survie de notre nation. C’est pourquoi nous devons nourrir cette nation de vérité, de justice, et de responsabilité…

Yaya Sangaré

Bamako

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