Le rapport du Centre Carter dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger s’est largement penché sur les défis à relever afin d’atteindre les objectifs de paix assignés à toutes les parties.
Le rapport indique ainsi que, malgré les signes indéniables de bonne volonté manifestés par des années de discussions entre les Parties de plus en plus détaillées, le citoyen malien vivant au nord n’a que peu de preuves d’un changement positif dans sa communauté depuis la fin des hostilités. Les habitants du nord du Mali attendent encore d’élire des représentants de leur choix pour gérer les affaires locales et régionales ; les services sociaux de base (écoles, centres de santé, fourniture d’eau et d’électricité) et autres représentations du pouvoir de l’Etat sont insuffisamment disponibles ; l’activité terroriste a augmenté ; et la sécurisation du territoire et des populations repose en grande partie sur un soutien international , qu’il s’agisse de la MINUSMA, du G-5 Sahel ou de l’Opération Barkhane. Globalement, l’insécurité et la violence ont considérablement augmenté au cours de l’année écoulée, en accentuant leur caractère transfrontalier. La situation dans le centre est caractérisée par des épisodes récurrents de terrorisme, banditisme et de criminalité. Par ailleurs la hausse des conflits intercommunautaires au centre, alimentés par la circulation et la prolifération d’armes, devienne de plus en plus préoccupante. Dans l’ensemble des régions, les résidents restent méfiants des implications politiques et économiques de la décentralisation et les fonctionnaires continuent de résister à la nécessité de se rendre dans leur lieu d’affectation situé dans le nord du pays, craignant pour leur sécurité personnelle. Afin que l’Accord reste un moteur viable pour faire avancer la paix, en 2019 le Gouvernement devra davantage renforcer son leadership dans le processus de mise en œuvre, en développant et en élargissant l’approche inclusive du point focal, le Ministère de la Cohésion sociale, de la paix, et de la réconciliation nationale. Notamment, il y a grand besoin que le Gouvernement prenne des mesures plus fermes pour reprendre la fourniture de services de base dans le nord, et que les Mouvements abandonnent leur tactique souvent dilatoire, afin de favoriser des avancées sur le processus DDR. La perception de l’ambivalence dans la volonté et la détermination au sein du Gouvernement et des Mouvements reste un défi important pour une mise en œuvre. Des étapes clés telles que la réforme constitutionnelle et l’achèvement de DDR, qui devraient avoir lieu en parallèle, parce qu’interdépendants, ne pourront pas être rapidement réalisées. Dans un tel environnement d’incertitude, des gestes réguliers, publics et symboliques d’engagement fort et continu en faveur de l’Accord par les chefs politiques de préférence de manière conjointe seront essentielles pour garder le cap de la mise en œuvre. Le Président de la République peut y parvenir en continuant d’habiliter pleinement son Ministère de la Cohésion sociale à être le principal coordinateur d’une approche pangouvernementale en matière de mise en œuvre, à laquelle les autres ministères concernés adhérèrent. Il importera également que le Président précise les jalons spécifiques qu’il espère atteindre en 2019 et que le Gouvernement observe scrupuleusement ces orientations et s’oblige à en rendre des comptes en cas de retard. De même, l’implication personnelle et directe des dirigeants des Mouvements sera nécessaire pour mettre fin à la perception de leur ambivalence continue. L’un des principaux défis de 2019 consistera à élargir l’appui du public à la mise en œuvre effective de l’Accord. Fort de sa réélection pour un deuxième mandat, il est essentiel que le Président devienne un défenseur encore plus actif et visible de l’Accord. Son action inspirera la confiance du public dans les efforts de mise en œuvre et transmettra le message que tout le monde participe au succès de l’Accord. Pour obtenir un large soutien populaire, il faudra créer un espace où l’opposition politique et la société civile, y compris les femmes, les jeunes et les chefs religieux, puissent être entendus et apporter leur contribution aux réformes législatives et constitutionnelles nécessaires pour atteindre les objectifs de l’Accord. Au-delà de toutes les actions qui doivent concourir à l’avènement d’une paix durable et à la stabilité, se trouve liée celle de la réconciliation nationale qui tient une place égale dans l’Accord. Si la non belligérance est acquise entre le Gouvernement et les Mouvements, l’Observateur indépendant s’inquiète des faibles bases jetées en faveur de la réconciliation nationale, notamment face à l’explosion des conflits intercommunautaires. L’absence d’une action d’envergure dans le cadre du Titre V éloigne la réconciliation et est à même à terme d’hypothéquer la paix au Mali. Au niveau du Comité de suivi, une méthode de travail plus productive est impérative. Un défi important est celui de synchroniser et équilibrer la mise en œuvre des quatre piliers. L’évaluation de l’Observateur indépendant indique un déséquilibre dans les avancées, notamment le peu d’aboutissement au domaine politico-institutionnel, qui pourrait à terme être préjudiciable à l’ensemble de la mise en œuvre. Il est à craindre que l’une ou l’autre Partie ne s’estime lésée par plus de progrès dans un domaine plutôt que dans l’autre, c’est-à-dire que ses priorités sont négligées. L’Observateur indépendant est hautement conscient que les piliers sont étroitement liés. L’investissement en temps, en énergie et en résultats doivent être mieux réparti à travers les Titres principaux et plus évident pour le public afin de rétablir la confiance générale au processus de mise en œuvre. Compte tenu de l’échéance de fin 2019 que semble se fixer les Parties, la question centrale est de savoir à quel rythme la réalisation des 58 engagements restants (70 pourcent de l’Accord) en particulier les jalons tel que la création de la Zone de Développement et des Assemblées régionales ; la mise en place d’une nouvelle armée malienne intégrant équitablement les combattants des Mouvements ; et la réforme de la justice – devrait faire progresser vers l’achèvement intégrale de la mise en œuvre de l’Accord. Ne pas résolument faire des avancées visibles risquerait d’hypothéquer à terme les fragiles avancées obtenues. Pour la communauté internationale, le défi consistera à déterminer la meilleure façon de soutenir les étapes clés de la mise en œuvre, et pendant combien de temps.
A .M