Des réfrigérateurs, voitures, ordinateurs, téléviseurs, climatiseurs, habits, chaussures, des équipements de toutes sortes pour les maisons et les bureaux ; médicaments, jouets pour enfants, perruques, etc. presque tout s’achète présentement en seconde main dans la friperie ou « France au revoir » (aujourd’hui « Au revoir l’Europe ou l’Amérique ») au Mali comme dans plusieurs pays africains. L’aspiration des populations à vivre avec plus de confort aidant, le marché devient de plus en plus florissant et les points de vente se multiplient partout dans le pays, notamment dans la capitale et les grandes agglomérations.
Aujourd’hui, à Bamako, ils rivalisent avec les « kôrôbôrô boutiki » (boutiques de quartiers généralement tenus par les Sonrhaïs) en termes d’implantation dans la proximité. Ce ne serait même plus une surprise s’ils sont plus nombreux que celles-ci.
Dans notre capitale, difficile de faire deux rues aujourd’hui sans tomber sur un lieu de vente de marchandises de seconde main venues de la France, voire de l’Europe ou des Etats-Unis. De simples étalages à de vraies boutiques de vente, ces produits se sont imposés dans les habitudes de consommation des Maliens.
Deux facteurs attirent la majeure partie de la clientèle de cette friperie tout genre : le prix et la qualité. « Quand nous prenons les enfants par exemple, la majorité des ménages ne peuvent acheter que des habits importés de Chine qui sont essentiellement en polyester et ne durent pas. Il en est de même pour les chaussures, les jouets… Alors que dans la friperie, ce sont des produits de qualité qui répondent aux normes européennes ou américaines. Et certains n’ont même pas été utilisés, car ils proviennent directement des boutiques après les soldes et le renouvellement des stocks », croit savoir Mme Ndiaye Aïssata.
« De nos jours, les prêt-à-porter de qualité ne sont plus à la portée de toutes les bourses. Dans la friperie, nous avons des habits de qualité et bas prix… Il suffit d’être méticuleux et rigoureux dans le choix », soutient un jeune cadre.
Ces produits offrent des avantages. Ainsi, selon des statistiques, le taux de pénétration des ordinateurs personnels en Afrique a été multiplié par dix, au cours de la dernière décennie, tandis que le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile a centuplé.
Les téléphones et les matériels de seconde main importée de l’Europe (notamment de la France) et des Etats-Unis sont en partie à l’origine de ce boum, car plus accessibles.
Un impact négatif sur la santé et l’environnement
Même si force est de reconnaître que ce commerce a son système de vente et de marchandage propre, il n’y a généralement pas d’essai, pas de garantie ou de service après-vente même si certains vendeurs ou revendeurs font des exceptions en reconnaissance de la fidélité d’une clientèle.
Sans compter que les clients sont de plus en plus malins et exigeants. Pour les matériels informatiques ou équipements audio-visuels, par exemple, ils se déplacent généralement avec un spécialiste pour tester sur place ou conviennent d’un délai d’essai avec le commerçant.
Mais, comme toute médaille a son revers, ces machines à la durée de vie incertaine se retrouvent après quelques mois d’utilisation (pour les plus chanceux) à la poubelle ou dans les canaux d’évacuation des eaux usées. Et généralement, ce sont de véritables ordures destinées à la casse qui sont ainsi parquées dans des containers pour les pays du Sud. « Le problème est que personne ne se soucie des conséquences environnementales et sanitaires de ces produits », déplore un écologiste.
Pour lui, « si aucune politique n’est menée pour collecter et recycler ces équipements, de nombreux pays vont se retrouver avec des montagnes de déchets électroniques dangereux, avec des répercussions graves sur l’environnement et la santé publique ».
La plupart du matériel qui arrive est souvent interdit d’usage dans les pays d’origine ou abandonnés de gré par les populations parce que déjà dépassé par les progrès technologiques, les innovations. Par exemple, ont indiqué des études, la batterie d’un téléphone est petite, mais elle est toxique et peut polluer environ 600 litres d’eau difficilement traitables.
Et le tube cathodique de l’ordinateur renferme une substance qui, inhalée, fait grossir le cerveau de manière irréversible. Les équipements électriques et électroniques peuvent contenir des substances dangereuses, notamment des métaux lourds comme le mercure et le plomb. Tout comme également des « perturbateurs endocriniens » tels que les retardateurs de flamme bromés.
Pour l’heure, la première mesure à prendre par le gouvernement, c’est d’abord de commencer par règlementer l’importation des véhicules d’occasion, des équipements informatiques et électroménagers.
Des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Sénégal… imposent un âge limite à ces importations. L’objectif est d’endiguer le danger de la pollution atmosphérique et, par ricochet, les maladies liées aux gaz d’échappement de ces véhicules d’occasion qui ont atteint leur limite d’âge en Europe ou aux Etats-Unis et qui sont déversés sur nos marchés assimilés à des dépotoirs.
Dans cette perspective, le gouvernement devrait penser aussi à exonérer des droits, des taxes de douanes et de la TVA sur les équipements concernés ainsi que les autobus, les autocars et les minibus de toutes catégories, importés, fabriqués ou vendus à l’état neuf destinés à la mise en place d’une flotte de taxis dans les grandes villes.
Tout comme il est désormais indispensable d’exiger une norme de qualité pour toutes les importations dans notre pays inondé de produits supposés être neufs mais qui, en réalité, ne répondent à aucun critère qualitatif.
Dan Fodio
Le Focus du 2 juillet 2018