En quoi consiste une écoute active, quel accompagnement psychosocial pour des filles travailleuses domestiques en situation de difficulté ? Youssouf Traore, coordinateur social au Samu social Mali, apporte des éléments de réponses dans cette interview. Il aborde aussi des techniques d’écoute pour des victimes de violences sexuelles et les difficultés auxquelles les structures d’accompagnement sont confrontées ?

Mali Tribune : Qu’est-ce qu’une écoute active ?

Youssouf Traoré : L’écoute active va au-delà de prêter l’oreille à une personne.  Elle demande des techniques, des approches pour pouvoir écouter la personne en tant que telle sans jugement, ni préjugé.  Ensuite l’accompagner sur le plan psychosocial.

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Mali Tribune : Comment les aides ménagères en difficultés sont accompagnées ?

Y. T. : Pour le cas des filles travailleuses domestiques, nous devons tenir compte de plusieurs caractéristiques comme la maturité psychosociale et toutes les difficultés qu’elles rencontrent dans leur milieu social de travail.

La première chose à faire, c’est de mettre d’abord la personne en confiance. Quand elle est à l’aise, nous l’écoutons sans jugement. Ensuite, nous l’accompagnons dans ses souffrances émotionnelles à travers une écoute active qui va nous exiger des techniques comme la reformulation de ses propos pour pouvoir cerner les problèmes et émotions qu’elles ont vécus sur leur lieu de travail. Parfois, c’est même des souffrances subies avant leur arrivée à Bamako. En tant qu’accompagnant social, notre rôle c’est de les aider à parler. En les verbalisant, nous les aidons à mieux comprendre leurs souffrances. En ce moment, elle sera capable de trouver des réponses, des attitudes et comportements à adapter pour pouvoir se relever. Toute personne en situation difficile qui parvient à verbaliser ses souffrances psychologiques et émotionnelles, est à moitié prise en charge. Sans cela, ça reste un traumatisme pour elle.

Mali Tribune : La peur des représailles de l’employeur pousse certaines jeunes filles à garder le silence. Comment agir face à de tels cas ?

Y.T : Cet aspect est géré par des contacts. Nous avons une stratégie de contact qui fait en sorte que la fille va nous donner les autres personnes maltraitantes ou des autorités qui, parfois, elle regarde comme des acteurs qui ne sont là que pour la répression. A travers notre présentation physique, nous l’aidons à faire la différence entre ces acteurs.

 Par ailleurs, il y a des situations extrêmes comme des violences sexuelles où la jeune fille a du mal à s’exprimer là-dessus. Ce n’est pas à la première séance d’écoute qu’on peut tout avoir avec la victime. C’est un processus qui s’étale sur plusieurs séances et qui demande de la patience. Au lieu de s’entêter à connaitre les faits réels, il faut chercher plutôt à comprendre pourquoi elle s’enferme sur elle, et l’amener elle-même à parler de ses problèmes immédiats. Ceux-ci peuvent être soit une mise à l’abri quelque part, une sécurisation dans un centre d’hébergement. Le respect de la durée de l’écoute est important.

Mali Tribune : Quel sort pour ceux qui échappent à cette écoute active ?    

Y. T. : Chaque travail a ses limites, d’où la nécessité de travailler en synergie d’action. Nous travaillons avec des psychopathologues, des psychiatres. C’est toute la chaîne qui intervient dans le cadre de la prise en charge des personnes en souffrance. Un travailleur social doit connaitre ses limites et de pouvoir faire des référencements si la prise en charge de la personne le dépasse.

Mali Tribune : Quelles sont les difficultés auxquelles les structures d’accompagnement sont confrontées ?

Y. T ;s : Il y a d’abord la mentalité de la population malienne qui, aujourd’hui, stigmatise les travailleuses domestiques. Elles sont traitées de « bonnes », ce qui fait en sorte qu’elles perdent confiance. C’est des difficultés auxquelles nous devons apporter des réponses à travers les genres de projet comme « Jiguitugu » d’Educo tout en continuant avec la sensibilisation de la grande population afin qu’elle puisse prendre conscience de la vulnérabilité de ces filles travailleuses domestiques et à essayer de les protéger à leur tour.

Il y a l’insuffisance de nos textes juridiques. Les enquêtes ont montré qu’il y a des filles mineures de neuf à dix ans qui viennent travailler aujourd’hui dans les familles alors que la loi malienne dit que la fille, avant quinze ans, ne doit pas être employées comme travailleuse domestique.

Egalement, beaucoup de filles, sans une adresse fixe, se retrouvent banalement dans les situations de rue. D’autres sont envoyées chez des grandes logeuses qui les emploient. Dans ce cas parfois elles sont victimes d’exploitations économiques. 

Il faut ajouter à cela la stigmatisation auprès des forces de l’ordre. Si les travailleuses domestiques sont en conflit avec leurs employeurs, cette stigmatisation fait en sorte qu’elles ne sont pas mises dans tous leurs droits.   

Nous voudrions qu’il y ait une application de ces normes juridiques pour que ces filles soient protégées tout en leur donnant une rémunération digne. 

Recueillis par

Kadiatou Mouyi Doumbia

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